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Japon frileux, Corée du Sud dynamique

 
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eve
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Japon frileux, Corée du Sud dynamique
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Source : Le Monde

ANALYSE
Japon frileux, Corée du Sud dynamique
LE MONDE | 10.12.04 | 14h50

Proches géographiquement et culturellement, la Corée du Sud et le Japon connaissent une fusion de leur "pop culture" qui se traduit par un rapprochement entre les jeunes générations, estompant le passé douloureux de la colonisation nippone de la péninsule (1910-1945). Mais ces deux démocraties suivent, en politique, des chemins divergents. Si la première progresse, la seconde régresse dans l'inertie.

Les Coréens s'interrogent sur l'une des pages les plus sombres de leur histoire - la collaboration avec l'occupant -, tandis qu'au Japon des ministres, y compris le chef du gouvernement, continuent à rendre hommage aux morts pour la patrie, parmi lesquels figurent des criminels de guerre.

Plus ancienne démocratie de la région, le Japon semble engourdi dans un conservatisme mou. Il s'oriente vers un bipartisme aux différences peu marquées quand la Corée du Sud, dont la démocratisation a commencé à la fin des années 1980, fait preuve d'une étonnante vigueur politique. La victoire du parti de centre gauche Uri aux élections d'avril a donné au président Roh Moo-hyun, ancien avocat défenseur des syndicats et des droits de l'homme, une majorité en accord avec les idées dont il se réclame.

Au Japon, le renouvellement de la moitié du Sénat en juillet s'est certes traduit par un recul du Parti libéral démocrate (PLD), au pouvoir depuis près d'un demi-siècle, et une progression de la principale formation d'opposition, le Parti démocrate (PD), mais sans changer fondamentalement la donne. Ces élections ont, en revanche, laminé un peu plus la gauche. Si en Corée le petit Parti démocrate du travail, soutenu par les syndicats, a plus que doublé ses sièges et fait entendre au Parlement la voix des couches défavorisées, les socialistes et communistes nippons ont subi un revers.

La gauche n'a jamais dominé la scène politique japonaise, mais elle fut un contrepoids déterminant. Une idée reçue veut que la démocratie dans l'Archipel soit de nature consensuelle. Or elle s'est construite, de la défaite en 1945 aux années 1970, au fil de luttes sociales animées par des syndicats combatifs et une gauche puissante.

Le pouvoir conservateur fut contraint de tenir compte de ces forces et de mener des politiques de compensation qui ont fait, pendant quelques décennies, de l'Archipel une des sociétés les plus égalitaires du monde, sans pour autant compromettre le dynamisme économique.

C'est à la gauche (socialiste et communiste) que le Japon doit d'avoir conservé sa Constitution pacifique - interdisant le recours à la guerre pour régler des différends internationaux - dont les principes sont aujourd'hui battus en brèche par le premier ministre Junichiro Koizumi. Mais la vieille gauche est aujourd'hui aussi impuissante à enrayer l'aggravation des inégalités sociales qu'à s'opposer à la présence de troupes nippones en Irak.

Le Japon s'oriente vers un bipartisme incomplet avec un parti centriste (le Nouveau Komei, bras séculier de la puissante secte bouddhique Sokagakkai) jouant un rôle charnière, actuellement en faveur du PLD. Mais la tendance est une orientation conservatrice partagée, à quelques nuances près, par les libéraux- démocrates et les démocrates.

Le débat sur la révision de la Constitution illustre l'enchevêtrement des positions. "Faucons" et modérés y sont favorables pour des raisons divergentes : les premiers, sur la ligne américaine, veulent dégager le Japon de sa "torpeur pacifiste" tandis que les seconds espèrent qu'une révision de la Loi fondamentale permettra à leur pays d'avoir une plus grande autonomie à l'égard de Washington. Pour l'instant, le Japon se dégage de son pacifisme, mais dans une situation de subordonné aux Etats-Unis qui hypothèque ses initiatives diplomatiques.

IDENTITÉ NATIONALE

En l'absence d'alternatives claires, l'Archipel risque de se laisser porter par un populisme mis à la mode par M. Koizumi. Pour l'instant, ce n'est qu'une "petite musique de fond"à laquelle on ne prête guère attention, mais un néonationalisme rassurant par son simplisme pourrait nourrir un extrémisme du centre, le jour où l'anxiété s'aggravera. "C'est le revers d'une société égalitaire : lorsque les citoyens sont désorientés, ils attendent un leader", commente un haut fonctionnaire. Le Japon ne fait guère, ici, figure, d'exception.

La somnolence de la démocratie japonaise comparée au dynamisme turbulent de celle de Corée du Sud s'explique par plusieurs raisons. La classe politique nippone se renouvelle avec peine alors que le parti Uri représente un électorat jeune. Ses députés étaient, pour la plu- part, étudiants du temps des luttes contre les dictatures des années 1980. Aujourd'hui, ils s'expriment au Parlement. Ils reflètent les aspirations d'une société en mouvement dont la jeune génération, loin d'être inconditionnellement proaméricaine, est fascinée par la Chine et ne perçoit pas la Corée du Nord comme un ennemi. Autant de facteurs à l'origine d'un nouveau sentiment d'identité nationale.

Au Japon, à l'exception de quelques visages neufs, les "jeunes" politiciens sont pour la plupart héritiers de "fiefs" électoraux. Une continuité rassurante pour une opinion qui ressent un malaise diffus : inégalités sociales grandissantes, inquiétudes pour l'avenir, engagement du Japon en Irak dont on se demande s'il correspond aux intérêts nationaux, montée en puissance du voisin chinois et "menace" de la Corée du Nord manipulée par la droite comme justification à l'accroissement des capacités militaires.

La Corée traverse également une phase difficile. L'économie tirée par les exportations et de plus en plus dépendante de la Chine ne crée pas d'emplois. Comme le Japon, elle met tous ses espoirs dans le développement des technologies de pointe et, comme celui-ci, elle se donne les moyens de son ambition. Mais le passage à une économie à plus encore de valeur ajoutée sera douloureux.

En revanche, en diplomatie, Séoul ne pratique pas le même repli frileux sous l'aile américaine. Remplissant sans enthousiasme ses obligations d'allié de Washington, le gouvernement Roh s'efforce de ne pas confondre alliance et soutien inconditionnel. La poursuite, en dépit des pressions américaines, d'une politique de coopération avec la Corée du Nord est une illustration de ce souci. Tokyo, conscient de l'impasse à laquelle conduit l'intransigeance de Washington, commence à suivre une voie plus autonome en renouant le dialogue avec Pyongyang.

Si la vie politique sud-coréenne rappelle celle de l'Archipel dans les années 1960 par une polarisation idéologique entre progressistes et conservateurs en phase avec les évolutions sociales, elle paraît, au Japon, décalée face à une société qui a profondément changé et dont elle ne reflète plus guère les aspirations et les inquiétudes.

Philippe Pons

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.12.04
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  Répondre en citant   12 Déc 2004 10:59
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