Enkô : fait de société ???

[Jen]

J'ai appris dans un manga qu'il existait un phénomène chez les jeunes japonaises nommé "enkô" ( contraction de enjokôsai, littéralement "échange de bons procédés" ). Cela désigne une forme de prostitution particulière chez les jeunes filles, notament les lycéennes, qui se font payer par des hommes salariés pour passer une ou plusieurs soirées avec eux, allant du rôle d'escort-girl au love hôtel. Le terme d'enkô est lié avec celui de Kogaru, qui désigne la lolita japonaise, également une mode. Ce manga précisait que c'était un véritable phénomène de société vers 2000, et je voulais savoir si cela était vrai ... Et si oui, comment se fait-il que cela prenne autant d'ampleur ?

[ToMach]

[Jen]

Ce manga tirait donc des conclusions bien attives ...
Ces explications étaient fournies dans les clés de compréhension du tome 1 de Nana de Ai Yazawa ( ce n'est pas précisé de qui elles émanent, éditeur, traducteur ou auteur mais je doute qu'elles soient de l'auteur ).
J'avais trouvé que le concept d'expliquer des termes japonais était intéressant ( on y retrouve des définitions des combinis, des cosplay et autres phénomènes japonais ).
Donc voilà je fais appel au savoir des personnes du forum ...

[susano]

Salut

Le sociologue Miyadai Shinji qui a beaucoup écrit sur l'enjo Kôsai estime qu'un pic fut atteint vers 1997.

C'est un sujet assez complexe car il mélange plusieurs débats:
La prostitution, la prostitution chez les mineurs, la pédophilie... Il est donc difficile d'y voir clair.
Par ailleurs, les statistiques sur le sujet sont assez rares et assez imprécises. POur la plupart, elles ne concernent que des études réalisées sur Tokyo. Difficile donc de parler d'un véritable phénomène japonais.

Comme tu l'as dit, l'enjo kôsai désigne plusieurs types de relations (pas forcement sexuelle) qui ont en commun d'être rémunérées. Ces relations sont libres de l'influence d'un éventuel souteneur (comme c'est souvent le cas dans la prostitution "classique"). Les filles (il y a des garçons aussi) sont donc indépendantes. L'explosion des nouveaux moyens de communication a facilité un certain boom de ces pratiques.

Concernant les motivations, elles sont aussi très nombreuses: se faire de l'argent facile, "s'amuser", faire comme les copines, défi envers les parents...

A partir de là, difficile de débattre d'un sujet dont la définition même est si ambigue.
Même les médias japonais ont du mal à creuser ces questions et se contentent de jouer sur l'aspect choquant et racoleur (comme lors de l'arrestation du compositeur Nakano Masahito en compagnie d'une fille de 16 ans).

SUSANO

[eve]

Parenthèse : Aurais-tu les réfs des ouvrages de Miyadai sur le sujet ?


Je ne pense pas que ce soir une conclusion hâtive que de dire que le phénomène "enkô" est souvent associé dans l'esprit des gens aux kogyaru.
Je n'ai pas de chiffres exactes mais j'avais entendu autrefois le chiffre d'une fille sur 20 concernée.

[susano]

Eve

Là je suis au travail. Dès que je rentre, je te donne les réferences.

Pour les kogyaru: méfions nous des apparences. Elles ont mauvaises réputations à cause de leurs look et de leurs attitudes anti conformistes mais elles ne pratiquent pas toutes pour autant l'enjo kôsai.

D'après ce que j'ai lu, certaines enko shojo sont des filles ont dessus de tout soupçon: Elles fréquentent les meilleurs établissements scolaires, elles sont de familles aisées et n'ont pas de problème d'argent. C'est là le paradoxe. C'est pourquoi on ne peut assimiler l'enko à une simple prostitution (répondant à un besoin économique). Miyadai explique que ces filles de bonne famille ont un besoin d'indépendance fort qui les pousse à effectuer cette double transgression:
D'ordre financière, en s'affranchissant de l'argent que leur donne leur parents.
D'ordre sexuelle, en vivant une sexualité assumé, et en choisissant leur client suivant leur propres critères. N'oublions pas que parfois, les pressions exercées par les parents pour que leur fille fréquente le garçon de leur choix sont énormes. C'est pourquoi, dans l'enko, la fille est totalement libre. C'est elle, qui dirige de A à Z.

L'enko, c'est avant tout un problème de comportement. C'est assez révélateur des transformations que connait le Japon.
Dans ce phénomène, les plus à plaindre sont les hommes japonais qui alimentent ce système à la base en le finançant. Les filles ne font qu'utiliser les fantasmes de ces hommes.

Cette dernière réflexion peut s'appliquer à la prostitution en général: Est ce une femme qui vend son corps ou un homme qui l'achète?

SUSANO

[Jen]

Eh bien, on ne crée des infrastructures que s'il y a des besoins ... Donc je pencherais plus pour la solution ce sont les hommes qui achètent ce qu'ils n'ont pas/plus ...

En fait, l'enkô serait une sorte de partie visible de l'iceberg "émancipation de la femme japonaise" ????

Oui, j'ai vérifié, les kogarus ne sont généralement pas ( ou peu ) lié à l'enkô, mais les enkô shojo ont pratiquement le même look qu'elles ce qui peut créer confusion.

[susano]

[Jen]

Peut-être que les enkô shojo ont le look lolita très prisé des hommes, qui se rapproche du look kogaru?

Pardon pour mes images, j'ai tendance à vite m'emporter ...

[frederic]

Salut, le enjoukosai à eue une période "vedette" aux environs de l'année 2000, je me rapelle avoir vu plein de reportages, documentaires, talk-show et même drama qui en traitait quand j'étais au Japon à cette époque. Il y a aussi eu une littérature abondante qui traite de ce sujet.
En tout cas ce que j'ai vu se rapprochait plus d'un mode d'emploi du enko ou une critique morale de ses "jeunes dévergondés" que d'une analyse véritable.
J'ai appris par exemple que le meilleur moyen pour trouver des filles est le Tele-kula (telephone club) ou les numéros roses que l'on trouve affichées dans les cabines téléphoniques. Il y a aussi la distribution des mouchoirs en papier dans les rues (sur lesquels sont inscrits les numéros roses destinés aux filles qui veulent se faire de l'argent) qui permet de recruter les demoiselles. Ensuite on peut demander directement en abordant une demoiselle et souvent une lycéenne et en lui serrant la main en appuyant dans sa pomme le nombre de doigts correspondant au prix qu'on lui propose pour une passe (il faut bien appeller un chat un chat). On peut aussi faire un signe de main discret en pliant les doigts qui correspondent au prix, la réponse est immédiate soit le mec se fait remballer, soit ils discutent du prix soit c'est ok. Pour les doigts, un doigt plié c'est 10000 yen, 2 c'est 20000 yen etc... La moyenne est apparement 30000 yen.
On apprend plein de trucs à la télé.