[ElieDeLeuze]

Lorsque je me suis retrouve devant le rayon Mishima de la librairie, j'avoue que j'etais pret a en prendre un au hasard, dans l'aveugle confiance qui carracterise mon rapport a cet ecrivain. Une etrange intuition me pousse cependant a garder la tetralogie La mer de la fertilite pour la fin. Les editions Gallimard ayant le mauvais gout ironique de mettre une femme denudee sur presque toutes les couvertures des romans de Mishima, mon regard fut attire par l'exception : Le marin rejete par la mer.

La photo en noir et blanc montre deux jeunes garcons, japonais, sur une plage, avec leurs velos, et des baigneurs dans le fond. Leurs visages au regard frondeur me sont restes en memoire lorsque Noboru commence son recit. Un jeune adolescent de treize ans, Noboru, vit avec sa mere dans une maison de style occidental a Yokohama. Le pere est mort cinq ans plus tot, et la vie solitaire de cette famille a des airs de liberte : la mere administre un magasin d'importation de produits de luxe europeens, Noboru est dans son monde a lui, libre. Il fait partie d'un groupe enigmatique compose de six collegiens, bons eleves et adolescents modeles dans leur genre. Ils rejettent le monde, ses passions, ses conventions, sa brutalite convenue et l'affection artificielle qui le gouverne. Mais dans un premier temps, l'histoire ne donne rien de vraiment concret pour saisir la portee de leur discours etonnamment froid et detache, comme de sombres voeux monastiques bouddhistes.

La mere de Noboru recontre un marin en escale, tombe amoureuse, se precipitant dans ses bras pour deux nuits d'amour que Noboru epiera par un inexplicable petit trou dans le mur, et le marin repart. Mais dans la deuxieme partie du roman, le marin revient de son long periple, et la vie, de desir, l'amour reprennent, mais pas comme avant. L'histoire d'amour et de desir sont observes de la perspective de Noboru, qui comprend trop bien ce qui se passe. Loin de s'en offusquer, il reste un observateur froid qui rapporte tout a ses cinq mysterieux camarades de confrerie.

Le recit est divise en deux parties egales. L'ete, c'est la rencontre et la passion, quand le marin est ce grand homme heroique qui aime la mere de Norobu et fait l'admiration de celui-ci. L'hiver, c'est le retour du marin, qui prend la decision de poser ses valise a Yokohama, dans cette famille, pour en devenir le chef. Noboru decouvre en lui un homme qui, une fois descendu de son piedestal de marin, tombe dans la mediocrite des conventions sociales qui sonnent trop faux a ses oreilles.

Le recit est habilement mene, car le narateur omniscient nous livre les monologues interieurs et les reveries de chacun des personages. Leurs subjectifs points de vue s'entrelacent sans jamais s'entrechoquer. Mais il faut bien constater que tout revient toujours a Noboru, comme si c'etait son coeur a lui que Mishima voulait nous faire penetrer. Il faut avoir lu une bonne partie du livre pour se rendre compte que tous ces entrelacs tournent tous autour d'une question existentielle crue : le monde des adultes est-il vide de toute verite ? Les amis de Noboru le croient, suivant un chef de file d'un stupefiant aplomb qui edicte la parole vraie comme s'il etait un etre de conscience superieure, tout enfant qu'il est.

Noboru sert de chaman a Mishima pour nous faire penetrer les tortueux chemins de la maturite de l'identite d'homme. Avec la certitude absolue qu'etre homme et adulte revient a se corrompre pour etre le servil complice de sa propre decheance d'homme, Noboru nous met en presence de l'angoisse de Mishima face a son identite. Les hommes que Noboru observe dans ce recit sont tous des monstres de servilite a un bien social commun qui exige l'abandon volontaire de toute liberte d'homme. Les peres sont les pires d'entre tous, car jamais ils ne pourront etre un modele de masculinite acceptable : tous les peres sont des pantins dearticules dans un monde vide de vrais hommes dont la seule fonction est de tromper leurs fils pour en faire des pantins a leurs tours. La foi farouche en la nature heroique et libre de la nature de l'homme reste inebranlable dans l'esprit de Noboru et de ses camarades, ce qui les amenera a refuser de reconnaitre en leurs peres respectifs - et en ce marin debarque dans la vie de l'orphelin Noboru - des hommes ayant une identite d'homme. Allant jusqu'au bout de leur raisonnement, la fin ne peut qu'etre tragique pour un marin qui voulait devenir, en toute simplicite, le pere de Noboru.

Les interrogations angoissees de Mishima traversent Le marin rejete par la mer, comme les eclairs transpercent le ciel orageux de l'ete nippon. Ce roman deroute, les perspectives paralleles dans le recit se rencontrent furtivement mais intensement, les certitudes desarment, et Noboru triomphe. Mishima se cache a peine dans ce recit, pretant a des preadolescents les certitudes ethiques qu'il avait lui-meme en tant qu'auteur et en tant qu'homme. Justement, c'est cet homme, forcement monstrueux tant il est assoiffe d'absolu et d'authenticite, et que Mishima sait etre en lui, qui lui fait si peur. La victoire de Noboru est celle du monstre qui sommeil en Mishima, celui que justement, il n'a fini par laisser triompher qu'une fois que la force de sa propre maturite fut venue, le sacrifiant avant que celle-ci ne s'estompe.

Lecture indispensable.
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[anonyme3]

slt deleuze
j'apprecie tes ecrits passionnes ornes d'une candeur au charme discret
on pardonne ton verbe trop grandiloquent

tu as donc aime "Le tumullte des flots"
mais ne crois -tu pas que Mishima loin de vouloir tuer le pere ne fait que s'echiner a le sauver ?
il ne fait que defier ce dernier
Mishima s''etait trouve un superpapa en la personne du tenno lui-meme...
tenno qu'il idolatrait en bon fils aimant

[remuka]

[kurisu]

ce qui est etonnant surtout c'est le discours des enfants . ils rejettent clairement le monde des adultes mais ne semble rien proposer en contre partie. ils se posent en critiques et la seule voie qu'ils prennent et celle de la survie en voulant un coeur d'acier . ce qui semble se resumer a l'abscence d'emotion. ne pas pleurer en cas de probleme, ne pas montrer ses emotions aux adultes.
la mere de noboru et le marin a l'inverse en sont remplis. ils copulent ,la mere s'enerve, ils se marient, bref ils sont vivants. les enfants eux semblent a l'inverse mort tant ils sont froids dans leur resonnement et leur comportement. qui plus est ils se meprennent sur le cas du marin qui bien que devenu pere et employe de magasin ne perd pas forcement de sa superbe. (je trouve) il était pour eux un ideal tant qu'il n'avait pas le pied sur la terre ferme , tant qu'il n'appartenait pas au monde connu et aux relations sociales qui le tissent. des qu'il pose pied a terre et endosse le role social il est dechu a leurs yeux.
le marin d'ailleurs pourrait etre la face adulte des enfants, il avait tres certainement un caractere se rapprochant etant jeune et a fui ce qu'il ne comprennait pas et ce qu'il detestait en s'engageant comme marin , en se detachant du monde ou l'on vit et de ses relations sociales. les enfants sont ils la pour lui rappeler ceci et le punir d'etre revenu de cet idéal auquel eux mêmes semblent aspirer ?
de toute facon dans le raisonnement des enfants il ne semble ne pas y avoir d'issue. n'acceptant pas le monde. ils se depechent d'ailleurs de comettre leur forfait tant qu'ils ne sont pas sous le coup de la loi, tant que les implications sociales ne peuvent pas les toucher, tant qu'ils ont encore l'impression d'etre libre de cette entrave.
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Ooohhh life , is bigger ,
is bigger than you and you are not me