gaboriau 4eme Dan
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Posté le: 21 Mai 2007 14:27 Sujet du message: Un «Yakuza» entre mythe et réalité
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Un certain regard. Limosin a suivi les débuts d'un jeune Japonais au sein d'un clan.
Un «Yakuza» entre mythe et réalité
Par Philippe AZOURY
QUOTIDIEN : lundi 21 mai 2007
Young Yakuza documentaire de Jean-Pierre Limosin (France), durée : 1 h 35. Sortie le 23 mai.
Tokyo porte chance à Jean-Pierre Limosin. C'est avec Tokyo Eyes que sa carrière de cinéaste a redémarré en 1998 quand lui-même n'y croyait plus. Entretemps, il a dirigé un Cinéaste de notre temps sur Takeshi Kitano. Young Yakuza porte en lui une rencontre avec un Japonais faite à Paris : en un coup d'oeil, le cinéaste a compris qu'il s'agissait d'un parrain yakusa. A Tokyo, des mois plus tard, les deux hommes se sont revus, et, au terme d'une visite de politesse, M. Kumagai a demandé à Limosin s'il acceptait de faire le portrait d'un clan yakusa. Soit une première : un clan demandant à un cinéaste une image de lui-même en acceptant que cette image lui échappe un peu (Limosin garde le final cut). Dans le dossier de presse du film, il avoue n'avoir jamais eu le moindre soupçon d'admiration envers l'univers yakusa ni la mythologie filmée qui l'entoure. Il aime Kitano pour d'autres raisons que son port du costume noir et du gun dans Sonatine. Ce n'est pas étonnant au vu de ce Young Yakuza qui est un exercice que l'époque, qui abuse du terme, trouvera «déceptif». Il fait effectivement du grand écart entre la mythologie et le quotidien le pain du film.
Code. On voit bien, dès la naissance du projet, dans quel étau serré se retrouve Limosin : s'il accepte totalement la commande, il enfreint un code moral, celui du cinéaste. Difficile de faire rentrer dans le docu les actes qui ont nourri entièrement les fictions : meurtres, intimidations violentes à coups de majeurs coupés et autres cassages de gueule en règle. L'autre risque étant de fâcher ses commanditaires, ce qui n'est pas grave en soi, mais un peu plus compliqué quand vous encourez le risque de vous retrouver, comme ce fut le cas par deux fois dans le passé pour des documentaristes ayant bossé sur les clans, avec un poignard dans le dos !
Limosin s'est entendu pour ne pas avoir à filmer tout acte fait hors de la légalité et a trouvé la bravade en suivant l'entrée sous les ordres d'un jeune garçon de 20 ans, Naoki, que sa mère, désespérée de le voir sombrer dans la délinquance non accompagnée, a confié d'elle-même aux yakusas pour un stage d'un an, après quoi Naoki aura le choix : rester un yakusa ou redevenir un Japonais lambda. Ce stage première embauche est aussi excitant qu'un an de formation hôtelière, et c'est le courage de Limosin de ne pas avoir joué avec la vérité. On découvre surtout et non seulement une école du giri, («dévotion»), mais aussi une lecture hiérarchique des rapports professionnels au Japon. Plus encore, on y voit l'étendue du rôle confiné aux clans. Un yakusa est de plus en plus sonné pour tout et n'importe quoi, plus proche en un sens du justicier cathodique Julien Courbet que de Dante Corleone. Les clans sont devenus un invisible mur porteur de toute la société japonaise, qui à travers eux règle ses comptes. Il en ressort une fascinante banalité du mal, une normalisation du crime organisé qui en dit long sur la société qui à la fois l'appelle et la subit (le Japon investit des budgets de plus en plus gros pour enfreindre le pouvoir des clans).
Parloir. En contrepoint du destin de Naoki, des scènes magnifiques d'innocence : trois femmes de yakusas se racontent leurs visites au parloir devant une tasse de thé, tout un clan se met en quatre pour chercher une paire de binocles tombée dans la flotte. En bande-son, les improvisations de RGM, trio hip-hop tokyoïde d'obédience gangsta nous signalant à coup de rimes que «l'empire de la beauté est plus grand que le monde de la morale». Pour de plus amples explications, écrire au journal, qui transmettra.
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