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Le Japon va mieux, les Japonais moins bien

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eve
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MessagePosté le: 26 Nov 2003 23:04    Sujet du message: Le Japon va mieux, les Japonais moins bien

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Le Japon va mieux, les Japonais moins bien

LE MONDE ECONOMIE | 20.11.03

Reconduit au pouvoir, Junichiro Koizumi promet des mesures libérales qui inquiètent le pays.

Fort de la majorité qu'a conservée la coalition gouvernementale aux élections du 9 novembre, et en dépit du recul de sa formation politique, le Parti libéral démocrate (PLD), le premier ministre Junichiro Koizumi a annoncé qu'il poursuivrait sa politique de "réformes structurelles". La montée de l'opposition et les divergences apparues au sein de sa formation indiquent pourtant que ce n'est pas ce qu'attend une bonne partie de l'opinion.

Une discordance révélatrice de la situation économique et sociale contrastée du Japon. Depuis l'été, celui-ci, rompant avec une décennie de dépression, a renoué avec la croissance et devrait voir son produit intérieur brut croître de 2,5 % sur l'ensemble de l'année, plaçant l'archipel parmi les économies mondiales en expansion. Une performance qui atténue l'annonce par Sony de la suppression de 20 000 emplois sur trois ans. La plupart des entreprises cotées en bourse ont enregistré des profits en 2002, et l'indice Nikkei a bondi de 30 % en bourse, dopé par les achats des investisseurs étrangers. "Make no mistake : Japan is back" (Ne vous y trompez pas ; le Japon est de retour), estime Jesper Koll, économiste en chef chez Merrill Lynch. Assurément. Et pourtant, selon les sondages, l'incertitude pour l'avenir tenaille l'opinion et chaque jour la presse se fait l'écho de petits drames qui témoignent de cette anxiété diffuse. En pendant au Japon qui recouvre son dynamisme industriel, celui des poches de luxe ostentatoire et de la consommation frénétique des marques, existe un autre Japon où la sortie de crise ne se mesure pas au redressement des indices et à l'augmentation du nombre des faillites.

La reprise est réelle, mais contrastée. Elle est moins due à la politique réformiste de M. Koizumi qu'aux restructurations (délocalisations, réduction des effectifs, plus grande flexibilité de l'emploi par l'augmentation du travail précaire) auxquelles a procédé le secteur privé qui ont permis à la plupart des grandes entreprises de renouer avec les profits. Une reprise qui repose sur des bases plus solides qu'un éphémère rebond provoqué, comme précédemment, par des plans de relance et l'injection de fonds publics. Mais c'est une reprise en "peau de léopard": des îlots de prospérité émergent, phares de la croissance pour les marchés, dans une mer étale. Les entreprises qui font des profits n'emploient que 10 % du salariat total et contribuent à seulement 19 % du produit intérieur brut.

Au-delà du débat sur la fragilité d'une reprise tirée par les exportations et vulnérable par conséquent à l'évolution de marchés porteurs (Etats-Unis et Chine), la question qui préoccupe les Japonais est la détérioration des équilibres sociaux sur la toile de fond d'un vieillissement qui pèse sur l'avenir des retraites. A une plus grande précarité de l'emploi, à l'aggravation des inégalités sociales en termes de revenus, mais aussi en fonction de l'âge, du sexe ou du niveau d'éducation s'ajoutent les disparités entre les régions. Le taux de chômage régresse (5,1 % en septembre contre 5,5 % en début d'année), mais il se double d'une destruction nette d'emplois.

"Réformes" est le slogan du premier ministre qui a mué en "forces de résistance" ceux qui s'y opposent ou critiquent ses priorités. De quelles réformes s'agit-il ? De la privatisation de l'épargne postale et des régies des autoroutes. Non seulement ces réformes n'ont pas progressé en deux ans, mais elles sont sans effet sur la situation économique. La politique d'assainissement du système bancaire très endetté, est loin d'être cohérente : vouloir privatiser les postes lorsqu'on nationalise de fait les banques en difficulté par des injections de fonds publics n'a pas grand sens. Selon un sondage préélectoral du quotidien Asahi Shimbun, 60 % des personnes interrogées n'étaient pas favorables à ces réformes et la progression de l'opposition aux élections du 9 novembre est un avertissement : le gouvernement Koizumi néglige le coût social de la crise.

La mondialisation, l'éclatement de la bulle spéculative et les restructurations ont bouleversé le compromis social de la période de Haute Croissance (décennies 1960-1980). Le passage du Japon à l'ère post-industrielle impose des réformes pour rendre le marché plus transparent et enrayer le gaspillage des fonds publics qui a ruiné l'Etat : tous les partis sont d'accord sur le diagnostic. Mais ils divergent entre eux (et en leur sein) sur les méthodes : "En se focalisant sur le marché, on accroît les disparités et, à terme, on entame la cohésion sociale. Les réformes doivent au contraire contribuer à compenser les effets négatifs du marché par la mise en place d'une société équitable afin d'éviter les phénomènes d'exclusion", observe l'économiste Takamitsu Sawa. Le secteur tertiaire est-il capable d'absorber le surplus de main-d'œuvre rejeté par le secteur manufacturier ? Vraisemblement non, poursuit-il, annonçant une reprise sans emplois. Une des causes de la stagnation serait l'insuffisance de demande, fait-il valoir, mais ne s'agit-il pas plutôt d'une inadéquation de l'offre à une demande sociale qui n'est pas satisfaite en termes de bien-être et de protection sociale ? "Le petit commerce ferme, mais les hôpitaux sont surchargés", constate une autre économiste, Sawako Takeuchi. L'incapacité - ou l'absence de volonté politique - du gouvernement de procéder aux arbitrages sociaux qu'impose le passage à l'ère postindustrielle est une source d'anxiété supplémentaire.

Dix "années perdues", se lamentent les productivistes. Certainement pas. La crise a fait sauter le carcan de la Haute Croissance qui pesait sur une société arc-boutée sur la production. Par sa lenteur, la crise s'est traduite en une période d'incubation sans rupture du lien social vers d'autres équilibres. La société est devenue plus diversifiée, plus ouverte, plus mobile, avec des effets positifs et négatifs : regain d'initiatives et accroissement des disparités. Mais le politique est à la traîne de ces mutations : de nouveaux relais démocratiques sont apparus au niveau local, mais ils ne peuvent assumer la mission régulatrice de l'Etat de redéployer l'offre vers une demande sociale en contribuant à rétablir une confiance dont dépend la consommation.

Philippe Pons

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.11.03


Source : http://www.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-342269,0.html
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