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Interview de Kitano Takeshi par le Monde

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eve
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Inscrit le: 20 Sep 2003
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MessagePosté le: 07 Nov 2003 08:03    Sujet du message: Interview de Kitano Takeshi par le Monde

 Note du Post : 5   Nombre d'avis : 1
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Takeshi Kitano : "Je suis un Martien"
ADEN | 04.11.03

Revoici Zatoichi - guerrier de cinéma quasi légendaire au Japon. Il est masseur, aveugle, et virtuose du sabre... Le reste, c'est du Kitano. "Mes films sont comme des ovnis, explique le cinéaste, il faut y croire ! Et les voir pour y croire..."

aden : Il y a déjà eu plus d'une vingtaine de films sur Zatoichi, sans compter les feuilletons pour la télévision. Pourquoi en tourner une nouvelle version ?

Takeshi Kitano : Parce qu'on me l'a demandé. Pas n'importe qui : Chieko Saito, dont je pourrais dire qu'elle est comme ma mère.
Je la connais depuis très longtemps ; c'est une dame qui a 77 ans, et une poigne de fer ! C'est une femme plus forte que les yakuzas ! Elle possède plusieurs théâtres, des cabarets et boîtes de strip-tease... notamment dans le quartier où j'ai débuté comme comique. Elle était, en quelque sorte, le sponsor de l'acteur Shintaro Katsu, qui fut l'interprète de Zatoichi pendant près de trente ans. Elle était son amie et l'aidait à financer ses films, remboursait ses dettes... Quelques années après sa mort, elle m'a proposé de redonner vie à Zatoichi. J'ai résisté, elle a insisté...

Pourquoi avez-vous cédé ?

Il est difficile de résister longtemps à madame Saito. Et puis, l'idée m'a plu, parce que le personnage était jusqu'alors indissociable de cet acteur, Shintaro Katsu, qui était devenu une véritable idole au Japon. Or celui-ci, comme s'il voulait absolument convaincre qu'il jouait bien, se mettait toujours en avant. Cette façon de jouer, de s'emparer d'un rôle pour se mettre en valeur, ça ne m'a jamais intéressé. Ce qui fait que je suis toujours resté indifférent à cette saga. Alors, je me suis dit : "OK, je vais pouvoir créer un nouveau personnage"...

Nouveau ?

Bien sûr, il est toujours masseur, aveugle, et c'est un virtuose du sabre. Le film se passe, comme les autres de la série, à l'ère d'Edo. Mais tout le reste, c'est du Kitano. Déjà, physiquement, mon Zatoichi est blond.

C'est important ?

Je voulais qu'on le distingue des autres au premier regard. De même, sa canne est rouge. Impossible de les manquer ! Ce n'est pas si anodin. Pour le spectateur, ces couleurs sont des repères. Au milieu d'une troupe d'ennemis, on voit immédiatement où se trouve le héros. Pour moi, metteur en scène, cela m'accorde une liberté supplémentaire. La clarté dans le plan est acquise. Dans les scènes de combat, je sais que l'on ne sera jamais perdu. Pas besoin de plans explicatifs. Je me concentre sur ce que j'ai réellement envie de saisir : le rythme et le mouvement.

Contrairement à la plupart de vos films, elliptiques, les combats sont ici très sanglants...

C'est violent, puisque c'est un film de sabre. Mais pas comme ceux qu'on tourne aujourd'hui - avec énormément d'effets spéciaux, d'acrobaties, de bonds fantastiques et spectaculaires, faits pour copier le cinéma de Hongkong - c'est un film de sabre attaché aux règles du combat. C'est un Zatoichi "retour aux sources" ! Il y avait un maître d'escrime sur le plateau, avec lequel j'ai travaillé pour concevoir les affrontements. Car le héros est certainement irréel : on est bel et bien dans un film, on le sait, et on accepte qu'il puisse vaincre des dizaines d'ennemis alors qu'il est seul et aveugle ! Mais le geste, l'effort, la douleur... ça, je veux que ce soit ressenti comme bien réel. En ce sens, c'est un film traditionnel. La technique est réaliste : tout simplement, aussi, parce que Zatoichi est aveugle et qu'il ne peut voir ses adversaires. Alors, il ménage ses déplacements et ses coups sont mortels... avec simplicité. Dans ce domaine, autant dire que j'ai fait œuvre de puriste ! Le combat sous la pluie, par exemple, est un hommage aux Sept Samouraïs. Je ne cherche pas à chorégraphier la violence. Elle est ce qu'elle est. Il n'est pas question d'avoir l'impression d'une danse. Par contre, quand le sang jaillit, c'est de façon volontairement si exagérée que l'on accède à un autre niveau ; quand mon film est sanglant, c'est de façon graphique.

Même la silhouette de Zatoichi s'est transformée...

On lui a prêté une allure plus dandy. Zatoichi portait des sortes de longs gants et des chaussettes de laine montantes. Avec Kazuko Kurosawa - la fille d'Akira Kurosawa -, qui s'est occupée des costumes, et Yohji Yamamoto, qui a coordonné les couleurs, on n'a pas cherché à être dans le fonctionnel, mais à aller dans le sens de la beauté.

Et son caractère ?

Avant, il était proche des pauvres et il les aidait. Avec moi, il est plus irresponsable, plus froid. Il se tient en retrait de toute communauté.

Pour un héros, il n'est pas spécialement sympathique...

En effet : c'est une machine. Alors qu'autour de lui, les deux geishas ou Hattori, son rival, ont des personnalités réellement émouvantes. Cette distance entre Zatoichi et vous, cette froideur, c'est aussi ce qui me permet de vous faire accepter toutes mes fantaisies à son égard. Puisque ça ne vous dérange pas...

Vous le présentez à rebrousse-poil de sa légende. Vous finissez même par suggérer l'impensable...

Je vois ce que vous voulez dire. Mais ce n'est pas très choquant... Ce n'est pas comme si Stevie Wonder avouait au public qu'il n'avait jamais été aveugle ! Ce n'est qu'un personnage. On peut le remettre en question, quand même, en modifier l'image. D'autant que les jeunes qui vont au cinéma ne connaissent finalement rien de Zatoichi. Cela fait dix ans qu'il n'y a plus de film avec lui. C'est donc le bon moment pour tout reprendre à zéro et se laisser aller. Je ne voulais pas être irrespectueux, mais casser au moins quelques habitudes.

Pourquoi ?

Pour étonner madame Saito. Pour offrir au public qui connaît depuis longtemps Zatoichi quelques surprises. Et pour m'amuser. Si je ne m'amuse pas d'abord moi-même, comment prétendre amuser les autres ? Zatoichi est un divertissement...

Un film de guerriers qui se termine... en comédie musicale !

J'y tenais, notamment comme un hommage aux vieux films du genre qui, souvent, se terminent par une danse. Sans doute les Japonais étaient-ils influencés par les westerns américains. Le héros s'éloigne, les méchants ont été tués et les paysans du coin font la fête. En cela, je suis très traditionnel. Je fais la fête aussi... mais à ma façon.

Zatoichi dans un numéro de claquettes...

Je voulais un final surprenant. Divertir les gens, c'est très important - et c'était la règle implicite de cette commande. Mais les déconcerter... c'est pour moi tout aussi important ! Comme on m'avait promis une entière liberté... voilà le résultat. La musique est hors contexte ? Pas vraiment, puisque c'est celle que j'ai dans la tête. Et j'ai essayé de l'amener en douceur, tout au long du film, en introduisant plusieurs petites ruptures sonores.

Pour achever le mythe Zatoichi, votre film est même comique...

Ça surprend ceux qui, surtout au Japon, n'ont jamais aimé mes films. D'ailleurs, mes films, comme les ovni, il y a ceux qui les voient - et qui croient en moi -, et ceux qui ne les voient pas passer - et donc pour qui je n'existe pas. Mes films, en quelque sorte, il faut y croire ! Et les voir pour y croire. On peut dire ça aussi des films de Godard. Moi, je ne les comprends pas. Je ne suis pas assez intelligent. J'aimerais bien qu'on me les explique un jour. Mais l'important, c'est qu'ils passent dans le ciel du cinéma et que Godard continue à en faire. Lui et moi, on est des Martiens.


Propos recueillis par Philippe Piazzo

Zatoichi de et avec Takeshi Kitano. Sortie cette semaine.
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seb
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MessagePosté le: 07 Nov 2003 09:04    Sujet du message:

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Je n'ai pas vu le film mais en lisant l'article, on reconnait bien la l'oeuvre de Kitano. Surtout la fin, Zatoichi qui fait des claquettes Shocked c du Kitano tout craché. Un bonhomme aux apparences serieuses, mais qui ne loupe pas une occasion de faire le mariole. Sacré Tkeshi va. Bon je vais allumer la télé histoire de voir sur quelle chaine il sera ce soir Laughing
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