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Mishima : La Mer de la fertilité

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ElieDeLeuze
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MessagePosté le: 23 Oct 2004 16:37    Sujet du message: Mishima : La Mer de la fertilité

 Note du Post : 5   Nombre d'avis : 4
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Mishima a passé les dernières années avant sa mort à rédiger ce qu'il considérait comme l'oeuvre maitresse de sa vie. Aussi étrange que cela paraisse pour un écrivain au sommet de la gloire, il annonce sa tétralogie dès la parution du premier tome. Il s'attache à une écriture romanesque et philosophique, où les personnages parlent trop d'eux-mêmes pour ne pas devenir les narateurs de leur propre histoire.

Neige de printemps :

Quand un Japonais fait quelque chose en quatre parties, il y a toute les chances que ce soit une question de saisons... et le titre du premier tome de la tétralogie La Mer de la Fertilité n'infirme pas cette idée. Je vous fait grâce du résumé de l'action, vous trouverez ça facilement sur internet, mais il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'un roman à la suite d'une longue série de romans et de pièces de théâtre où il a exploré la diversité de l'humain dans son Japon à lui. En choisissant de commencer le récit juste avant la première guerre mondiale, et donc dans les années qui suivirent la guerre russo-japonaise, Mishima ancre son projet littéraire dans une perspective historique dans le but d'aboutir à l'époque contemporaine, comme pour donner à sa voix d'écrivain la profondeur du temps.

Le style est largement plus abouti que dans les romans de ses jeunes années. Les descriptions sont plus précises, plus symboliques parfois, l'ironie et le cynisme sont mieux contrôlés, la richesse du vocabulaire dans la traduction française laisse deviner un travail minutieux sur la langue dans la version originale. Les personnages sont certes bien définis, mais dans la nuance. Fini le temps des Tumultes des flots et de Une soif d'amour où les personnages vivaient leur rôle romanesque comme un sacerdoce. Dans Neige de printemps comme dans toute la tétralogie, Mishima est nettement plus exigent avec son lecteur, le surprenant parfois en insufflant à ses héros des contradictions et des faiblesses qui les grandissent et ouvre le récit à des retournements et des péripéties. Ce premier tome est une histoire de passion et de raison, que deux personnages incarnent respectivement, sans jamais s'opposer. Le raisonnable Honda et le brûlant Kiyoaki forment un couple philosophique absolu, comme la personnification de la dualité de l'humain. Aucune surprise dans la fin tragique du héro, si ce n'est que Mishima lui impose une mort pitoyable, misérable et pathétique à l'opposé de la mort qu'il a choisi pour lui-même et que le lecteur garde à l'esprit. Ce ne pouvait être un point final, même si les moins motivés des lecteurs pourront en rester à ce premier tome, ravi d'avoir lu un roman d'action, de passion, de légère philosophie accessible et de tragédie amoureuse à la porté de tous. Et pourtant... on a l'intuition qu'il y a plus, beaucoup plus.

Chevaux échappés:

Le même Honda survit à la disparission tragique de son compagnon de jeunesse, prend quelques années, et devient un homme de loi respectable et respecté. Il fallait un personnage d'envergure pour porter le roman, il apparaît rapidement sous les traits de Isao. Ce jeune et courageux étudiant christalise ses idées nationalistes, viriles et philosophiques sous la forme d'une confrérie, la Société du vent divin (vent divin = kamikaze en japonais...), qui avait existé à l'époque de la restauration Meiji pour lutter contre l'ouverture et la modernisation du pays. Isao en fait une version nouvelle dans les années vingt, où se situe le roman, afin de frapper un grand coup et éveiller la conscience patriotique et philosophique de sa génération. J'insiste sur le fait que les buts plus ou moins clairs de cette action sont toujours présentés sous un aspect purement philosophique, sans prendre l'aspect de revendication strictement politiques comme le ferait un parti. Mishima enseigne à son lecteur la différence entre un combat philosophique ancré dans son époque et le militantisme politique partisan. Les nombreux commentaires simplistes sur la mort de l'écrivain auraient bien fait de s'inspirer de la lecture de ce livre afin d'éviter les interprétations abhérantes que l'on retrouve sans cesse sur Mishima. Comme vous vous en douter, ce jeune homme est d'une incroyable beauté virile, qu'Honda admire autant qu'il en a peur. La fin tragique ne surprend personne non plus, mais Mishima la présente sans détour comme un acte de pur esthétisme : l'action terroriste n'est pas une affirmation politique, elle n'est qu'une scène qui rend possible une mort héroïque dont la beauté est à la hauteur de celle du héro. Mishima nous dirait-il que la mort par suicide n'est jamais qu'un acte personnel, dénudé de toute portée universelle autre que la beauté de la mort ? Tout semble l'indiquer dans cette deuxième partie de la tétralogie. Bien que moins riche en rebondissements, avec des rapports moins complexes entre les personnages, ce roman se lit très facilement comme une aventure héroïque dont les portées philosophiques sont exposées sans trop de longueurs.

Les troisièmes et quatrièmes tomes sont plus délicats à commenter, je me laisse un peu de temps pour en rédiger une introduction. En se livrant plus intimement, Mishima touche son lecteur plus intiment aussi. Le Temple de l'aube et l'Ange en décomposition sont à la fois plus complexes, plus difficiles d'accès, plus abstraits, mais c'est aussi en cela qu'ils remuent plus profondément par une écriture et donc une lecture plus personnelle, plus essentielle. Je ferrai de mon mieux pour vous en faire part prochainement.
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ElieDeLeuze
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MessagePosté le: 01 Nov 2004 00:20    Sujet du message: Re: Mishima : La Mer de la fertilité

 Note du Post : 4.33   Nombre d'avis : 3
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Le troisième tome de La mer de la fertilité est un roman à part. Mishima s'incruste dans nos doutes et nos angoisses les plus profondes, la lecture fait mal, mais sans doute fait-elle mal là où il faut.

Le temple de l'Aube.

La guerre est finie, l'administration américaine impose sa présence à un Tokyo qui ne la comprend pas vraiment. Les petites affaires recommencent, chacun trouve les petits arrangements qu'il lui faut pour pallier aux manques en tous genres. Comme pour fuir ce Japon-là, le romant débute en Thaïlande, au coeur de Bangkok. Mishima ne prend aucun détour pour mettre Honda au milieu des temples de ce fervent pays bouddhiste. La première partie du récit suit le fil spirituel de la réflexion de Mishima en suivant les voyages de Honda à travers les lieux du bouddhisme en Asie. Tout n'est que philosophie, exigeant du lecteur une certaine culture pour être du voyage. Honda regarde la mort en face, il y voit les statues dorées des Bouddha thaïs, la misère putride de la vallée du Gange, le noir poussiéreux des temples troglodytes du sud de l'Inde. Les corps qui se décomposent dans les détritus, la fumée des buchers indous, la maigreur des brahmanes et la lèpre qui ronge la peau des miséreux de Bénarès sont autant de sagesses qu'Honda devait voir de ses yeux comme pour le raconter à Mishima. Honda visite en touriste un monde exsangue au lendemain du grand conflit mondial. C'est une façon de mettre le lecteur face aux mêmes questions que le Bouddha lui-même : la vieillesse, la maladie, la mort.... Le voyage initiatique prend le lecteur, l'oblige à regarder en face les souffrances de la conditions humaine. La lecture est ardue, la naration est pratiquement suspendue au profit d'un cheminement philosophique sérieux. Mishima remue les trippes en jetant au visage de son lecteur sa propre mort. Regarder le texte en face, c'est regarder la mort dans les yeux. Le rafinement de la douleur du doute de Honda sera insupportable au lecteur enflé de certitudes, et c'est tant mieux. L'occident est ridiculisé entre parenthèses en pleine démonstration sur la condition humaine articulée autour de la réincarnation en général et celle d'Isao, le jeune homme de Neige de printemps, en particulier. Celui-ci est-il revenu sous les traits d'une princesse thaïe ? Honda fonce-t-il dans le mur de la vanité de ses doutes annonçant sa fin pathétique ? On ne le sait pas ; on ne sait rien dans le Temple de l'aube ; Mishima torture son lecteur comme la vie torture l'homme de ne pas dévoiler le mystère de la mort. Il finit bien par murmurer le nom de yuishiki, forme de bouddhisme qui à ses yeux saisit l'insaisissable : l'absence de l'âme, la vacuité essentielle, n'est pas un obstacle à la compréhension de la mort et de la vie. La subtilité de ses explications aura découragé tellement de lecteurs, mais ceux qui tiennent bon seront paralysés de fascination pour une puissance conceptuelle tellement limpide.

Le récit reprend pourtant, Honda, le Tokyo que Mishima a connu, les lâchetés et les petits courages quotidiens d'une époque cruelle, tout y est. La bonne société n'est plus celle d'avant guerre, Honda y participe en restant perplexe, comme un étranger dans son époque. Le récit est déroutant en ce qu'il ne suit pas les lignes droites des deux premiers tomes de la tétralogie. Pourtant, l'inexorable chronomètre tire le récit à sa fin tragique. Honda est dépité devant une princesse thaïe qui semble ne plus le reconnaitre, un rêve éveillé le prend dans une tourmente ironique, jusqu'à la mort absurde de la princesse qu'il croira jusqu'au bout être la réincarnation d'Isao, mais sans preuve, sans certitude. Simplement parce qu'il n'y a pas de preuve de l'existance, aucune preuve de la vie, aucune certitude de la conscience. La mort n'a alors pas plus de sens que la vie, mais elle est logique.


Le temple de l'Aube se lit deux fois ou ne se lit pas du tout. Vous cracherez dessus ou vous le vénérerez comme la clef de l'éternité. Mishima prouve que la philosophie peut être brute, et violente. A vous de vous protéger.... ou de vous laisser faire.

EDIT : yuishiki s'écrit 唯識 et signifie "la seule conscience", appellation de la doctrine de cette école par eux-mêmes - "hosso" est en fait hossou 法相 et est un nom péjoratif importé de Chine mais qui est resté en tant que l'une des six écoles de Nara. Pardon pour cet oubli.
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Dernière édition par ElieDeLeuze le 22 Déc 2004 01:01; édité 1 fois
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ElieDeLeuze
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MessagePosté le: 10 Nov 2004 01:29    Sujet du message: Re: Mishima : La Mer de la fertilité

 Note du Post : 4   Nombre d'avis : 3
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L'Ange en décomposition

Rien que le titre original est tout un programme : 天人五衰.
天人 ce sont les êtres surnaturels, mot utilisable pour toutes sortes de religions et de traditions. Mais c'est aussi un composé qui uni tout simplement "l'homme et la nature", autrement dit "l'humain et l'univers".
五衰 est une demi-énigme, composé de 五 "cinq", et de 衰 "décadence, disparition, effacement", je ne puis affirmer avec certitude qu'il s'agit d'une allusion aux cinq agrégats bouddhistes (toute créature est composée de 5 éléments : la matière, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience). Et tout ceci, donc, disparaît : 衰.

Interpréter ce titre est peut-être périlleux, mais comment ne pas penser aux quatre saisons, comme le suggère aussi le titre du premier tome, Neige de printemps, puis l'été flamboyant des Chevaux échappés, le doux automne du Temple de l'aube pour aboutir au funeste hivers de l'Ange en décomposition. Je ne me gausse pas de cette idée qui n'est même pas subtile, j'y pense, c'est tout. La tétralogie est une vie qui suit les saisons, comme tout langage poétique japonais. Arrivé à un âge avancé, Honda ne pense plus qu'à l'avenir : la mort. Finie la nostalgie du Temple de l'aube où Honda faisait son voyage initiatique et remettait en perspective tout le déroulement de son existence jusqu'alors en suivant le sens chronologique et spirituel de ce qu'il pensait être une succession de réincarnations dont il serait le spectateur. Au quatrième tome, c'est le vent glacé d'un personage jeune et indomptable qui fouette sans pitié le vieux Honda - peut-être parce que le temps qui passe non plus n'a pas de pitié : Toru, guetteur de bateaux dans la baie de Tokyo, âgé de tout juste seize ans, n'est qu'à moitié de ce monde, son regard restant perdu dans l'immensité océane, comme si la métaphysique orientale s'était glissée toute entière dans ses yeux. Honda y voit la troisième réincarnation de Kiyoaki, simplement en le voyant, ne doutant pas un instant de sa lucidité pour l'immatériel essence de l'être.

Pourtant, Mishima déroute rapidement son lecteur. On s'était pris à y croire, à cette histoire de réincarnations un peu simpliste pour un écrivain aussi talentueux au sommet de sa gloire. Rien ne colle, le récit va à l'encontre de nos puériles attentes, trop aveuglés par une avide fierté d'avoir tout compris et de se glorifier de cette erreur. Honda adopte le garçon, mais celui-ci ne deviendra pas un grand homme. Il sera tortueux, cruel, naturel, mesquin, orgueilleux. Tout, sauf l'indicible essence de Kiyoaki. Mishima semble détruire son récit comme si les mots eux-mêmes devaient se soumettre à l'inexorable vérité du Bouddha. Le lecteur sera tenu par la main de fer d'un Mishima qui s'obstine à aller jusqu'au bout de son acte de création littéraire, même si cela doit se terminer par un hiver de mort. Honda devient un vieillard épris de doutes, le récit tout entier devient un énorme point d'interrogation, la honte d'avoir cru à la réincarnation de Kiyoaki se rajoute à celle d'en avoir perdu la certitude. Honda aurait gravi les hautes pentes d'un Mont Fuji sans sommet, se dématérialisant dans des nuages de doutes.

Perdu, il retourne vers la seule certitude qu'il eût encore : l'abbesse du monastère de Gesshu, la Satoko jadis adorée de Kiyoaki, saurait-elle lui répondre, elle qui a fait de sa vie un renoncement pour atteindre la vérité. Elle le reçoit, certes, mais quand Honda se remémore leurs souvenirs communs de cette vieille histoire d'amour fou dans le tumulte de leur jeunesse et de la passion de Kiyoaki, elle ne semble pas le comprendre. N'y aurait-il eu aucun passé ? Honda était-il prisonnier de l'illusion d'avoir vécu ? Ne reste-t-il donc rien de tant de vie et de passion au crépuscule de la vie ? Il n'y a alors peut-être jamais rien eu, tout n'a été qu'illusion, et tout ne sera jamais qu'illusion sans substance. Ce n'est pas la mort que nous raconte Mishima, c'est l'extinction totale, le nirvana.


Yukio Mishima confiait avoir voulu mettre dans cette tétralogie «tout ce qu'il avait à dire», nous dit l'éditeur. Respectueusement, j'ajouterais que c'est le livre d'une vie, de toute vie.
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MessagePosté le: 10 Nov 2004 09:21    Sujet du message:

 Note du Post : 3   Nombre d'avis : 1
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Elie, tout d'abord merci pour cette rétrospective tout a fait intéressante.
Ayant personnellement lu il y a moins de deux mois "L'ange en Décomposition" (j'aurais peut-être du lire l'ensemble des livres dans l'ordre, mais jusqu'à votre précédent post, je n'étais même pas conscient qu'il s'agissait d'une tétralogie), je voudrait vous poser une question, somme toute très terre-à-terre: en terminant le volume, j'ai eu la cruelle impression de rester sur ma faim. J'ai eu beau y réfléchir, je n'ai pu tombé sur une conclusion, même philosophique, comblant la fin de l'ouvrage. Alors soit suis-je passé à côté de l'essence que Mishima à voulu insuffler dans son récit...soit ce dernier est-il simplement la traduction du mal-être de son auteur en fin de vie, dans lequel il est vin (pour un non mourrant) d'essayer d'en déduire quoi que ce soit? Vous qui semblez avoir dévoré les quatre volumes, qu'en pensez-vous?
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ElieDeLeuze
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MessagePosté le: 11 Nov 2004 00:36    Sujet du message: La Mer de la fertilité

 Note du Post : 4   Nombre d'avis : 1
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Il est impossible de répondre rapidement à ce..... sujet de thèse. Laughing

Je me suis efforcé de faire comprendre dans ce fil que la Mer de la fertilité est une suite qui n'a de sens qu'en tant qu'ensemble de quatre tomes. Le cheminement littéraire de Mishima se lit au fil de l'évolution et des paliers que sont les quatres livres. Quand on se retrouve avec le dernier entre les mains, il faut se rappeler deux choses :

- Mishima est mort lui-même à 45 ans, ce qui place le quatrième tome dans une position particulière : Honda, le héro, continue de vivre, se fait vieux, contrairement à Mishima.
- Mishima est mort comme le héro du second tome, ce qui se passe après est d'une certaine manière ce qui n'a pas eu lieu dans la vie de Mishima.

Ainsi, je lance une piste de compréhension de l'oeuvre d'un point de vue de l'écrivain et homme Mishima : La passion, il l'a vécue et l'a assez racontée dans ses livres ; l'honneur, il l'a vécu aussi, opérant un changement profond de son style de vie passées ses années de verte jeunesse. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a un avant et après mariage, ce n'est pas aussi tranché, mais c'est un repère comme un autre. Ce sont les deux premiers tomes. Le troisième est très nettement une recherche spirituelle et une réflexion sur la mort, esquissant même quelques réponses et laissant entrevoir la vision bouddhiste personnelle de Mishima. Le quatrième tome est à part.

Imaginant un héro âgé, 80 ans ou quelque chose comme ça, Mishima projette-t-il sa conclusion sur la vie sur Honda, comme si le fait que le personnage se faisant si vieux permettait à Mishima de ne pas avoir à vivre vraiment jusque là. Ce pourrait-il que Honda ait la vie sur le papier que Mishima voulait s'économiser en vrai ? Est-ce que Mishima savait trop bien ce qu'il adviendrait pour ne pas avoir besoin de rester en vie aussi longtemps ? Une telle certitude est-elle un élément de sa décision de commettre son seppuku ? Je mets des points d'interrogation, mais Mishima a trop livré de lui-même dans tous ses autres romans pour faire une exeption dans ce qui est son oeuvre majeure, son oeuvre ultime.

Alors oui, c'est un grand point d'interrogation, comme je tente d'expliquer dans mon petit texte ci-dessus. Je crois que la clef se trouve dans la philosophie bouddhiste, mais ce n'est qu'un avis personnel. Il a fallu plus de 1000 pages d'un texte recherché et sinueux pour pouvoir dire en guise de conclusion que rien n'est assez important pour ne pas supporter de n'être qu'une illusion sans importance, un simple état transitoire dans un monde dont la réalité n'est qu'une création de la conscience, recréé à chaque instant et sans aucune autre matérialité que celle à laquelle l'illusion du monde arrive à nous faire croire. Je vous renvoie aux héritiers de l'école Hossô, comme Mishima le suggère lui-même dans le Temple de l'aube en nous soufflant le nom de yuishiki. C'est déroutant pour le lecteur, mais je crois que l'Ange en décomposition est simplement une démonstration philosophique.
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MessagePosté le: 11 Nov 2004 09:38    Sujet du message:

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Merci pour votre réponse détaillée. Il est vrai que sans avoir lu les premiers tomes, je n'ai naturellement pas abordé le dernier avec un état d'esprit "bouddhiste", ni même religion ou spirituel (je pensais lire un roman tout ce qu'il y a de plus terre à terre). Le fait d'avoir lu les trois premiers volumes aurait sûrement aidé à se "mettre dans le bain". Je pense que j'attendrai encore quelques années avant d'acheter les livres manquants, et de lire la série d'une traite. Peut-être que d'ici là un cinéaste talentueux aura eu le courage d'adapter cela au grand écran... Smile
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