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Le vagabond de Tôkyô, de Seijun Suzuki

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Shiseido
1ere Dan
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Inscrit le: 20 Déc 2003
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MessagePosté le: 11 Aoû 2004 20:36    Sujet du message: Le vagabond de Tôkyô, de Seijun Suzuki

 Note du Post : 5   Nombre d'avis : 3
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La vagabond de Tôkyô



Il existe des moments de grâce où l’on se prend subitement d’une fascination sans borne pour une œuvre cinématographique et où l’on a l’impression d’entrer dans une phase de communication avec celle-ci. Ce sont des moments rares qu’il faut préserver avec délicatesse et passion. Le vagabond de Tôkyô, de Seijun Suzuki, m’a fait savourer un moment analogue. Explications.

Suzuki est un grand nom du cinéma nippon, malgré le fait que sa compagnie, la Nikkatsu, lui ait coupé les ailes en le licenciant suite à ses aspirations anticonformistes et lui ait fait perdre ainsi des années de carrière (pour la parenthèse, je ne peux que déplorer la mentalité de la Nikkatsu de ce point de vue-là, qui est aussi la mentalité nippone de l’époque, et ne peux que constater qu’en France cette chose aurait eu très peu de chance d’arriver, surtout avec la Nouvelle Vague). Dans une filmographie riche en films exceptionnels, on garde de ses années soixante deux œuvres phare : Le vagabond de Tôkyô et La marque du Tueur, ce dernier lui ayant valu son licenciement. Deux chefs-d’œuvre exceptionnels qui nous font regretter amèrement que Suzuki n’ait pas pu continuer sur sa lancée.

Sorti le 10 avril 1966 dans les salles obscures nippones, Le vagabond de Tôkyô (dont le titre est Toukyou nagaremono en version originale et Tôkyô Drifter en version anglophone) est interprété par l’extraordinaire Tetsuya Watari (remarqué notamment pour son rôle dans Jingi no Hakaba), qui donne derrière son côté loyal et impassible une beauté statique au film, et la merveilleuse Chieko Matsubara, qui chante avec grâce et mélancolie, et rayonne à l’écran malgré ses allures effacées.

Le film débute d’une manière très sobre, en noir et blanc, par une scène de règlements de comptes entre yakuza, avec des plans raffinés et une esthétique parfaitement maîtrisée. Il est évident qu’une introduction en noir et blanc pour un film considéré comme un chef-d’œuvre du côté de la couleur comme technique cinématographique n’est pas un choix anodin… A la fin de cette scène, le générique en couleur crève l’écran. Contraste…

La chanson-titre est interprétée directement par Watari. Elle donne au film, de par son rythme typique de la chanson populaire japonaise de l’époque et son texte poétique que le réalisateur suit presque à la lettre, une originalité supplémentaire et une ambiance sonore qui a pour aboutissement la reconnaissance auditive immédiate du film hors contexte. Le générique voit défiler des plans de Tôkyô…

Je ne raconterais pas le scénario. Pour moi, il n’existe plus. C’est un film qui se vit, qui se voit… pas vraiment un film qui se pense. D’où le fait, qu‘à ma connaissance, il n’existe aucun critique qui ait pu en faire le tour. On ne peut qu’en tirer des bribes pour compléter son point de vue. La démence chromatique de Suzuki ne trouvera jamais d’écho complet dans un système de langage… D’où la beauté transcendante du film. Le vagabond de Tôkyô est un film avant tout visuel, comme le note avec précision un des critiques de Cinemasie : Que ce soit en extérieur ou en intérieur, la liberté visuelle de Suzuki respire à pleins poumons. Il utilise déjà toute la panoplie qu’il débridera plus encore et plus tard dans La marque du tueur : lunettes noires, chaussures rutilantes, ambiance swinging Tokyo, dancing room 60’s, minimalisme, sols et murs laqués ou transparents, rose bonbon, blanc, vert pistache, spots flashy, rouge, poupre, jaune, orange, espace organisé exclusivement pour un rendu 2D, gunfights tirés directement des vignettes de mangas : poses stylées, costumes tirés à 4 épingles, montage anti-conformiste bourré de raccourcis, découpages multiples et pourtant très peu de mouvements, lignes droites et obliques à profusion... C’est de la photographie avant tout. Tout est organisé pour et par la 2D sous l’influence énorme du Pop Art. La perfection des gestes, aussi. Harmonie extraordinaire entre le mouvement et la couleur, un fond blanc, dès que le personnage se retourne, devient rouge… Ce sont des couleurs brutes qui envahissent l’écran, qui évoquent le jeu, l’amour, la pureté, la mort, la violence. Une autre logique. Parfois, je vois ce film comme une extraordinaire mathématique. Adaptation libre d’une note sur un roman allemand dont je tairais le nom « Qu’adviendrait-il si, un jour, la science, le sens du beau et celui du bien se fondaient en un concert harmonieux ? Qu’arriverait-il si cette synthèse devenait un merveilleux instrument de travail, une nouvelle algèbre, une chimie spirituelle qui permettrait de combiner, par exemple, des mouvements simples avec une œuvre d’art et un chanson populaire, pour en déduire de nouvelles notions qui serviraient à leur tour de tremplin à d’autres opérations d’esprit ? »

Certains diront que je divague. Évidemment, je divague ! Je divague consciemment. Pourquoi analyser froidement et d’une manière consensuelle une œuvre qui ne l’est pas ? C’est une histoire de recul. Je n’ai pour ma part pas assez de recul, je l’avoue. J’admire cette œuvre, elle me fait vibrer et je préfère une déclaration passionnée que le contraire. Peut-être dans dix ans arriverais-je à cerner l’œuvre pleinement. Pour l’instant, je la savoure sans retenue…

Shiseido



Visionner l’oeuvre

Pour cela, la meilleure façon reste de se procurer le deuxième volume de la série de coffrets Films noirs et séries roses consacrés à Suzuki chez HK vidéo. Ce coffret comporte en plus Elegie de la bagarre et Détective bureau 2-3.
A noter aussi la diffusion fin juillet du film sur la chaîne satellite Cinecinema auteur, à l’occasion de son grand panorama du yakuza-eiga, qui note sur son site Internet ce commentaire très synthétisé : La violence des scènes d'humiliation rend hommage à la mythique fidélité des yakuza. Les décors sixties, le montage haché et les couleurs pop rappellent l'esprit Nouvelle Vague des premières oeuvres du réalisateur. L'exubérant duel final marque l'apothéose d'un style iconoclaste et ultra violent. La chanson du film participe à sa célébrité.


On remarquera la beauté du menu réalisé pour le coffret d’HK vidéo.

Plus d’informations sur Suzuki en livres



Pour 1 800 yens, Style to Kill est un très intéressant Visual Book (aux éditions Buchigura Publishing) en six chapitres (pour quatre-vingt quatre pages) sur Suzuki. Superbes images, interviews captivantes, suppléments intéressant (filmographie complète, etc.), c’est à mon avis un ouvrage de qualité. Sorti en même temps, il existe aussi un pamphlet (format A5) nommé Suzuki Style de 144 pages au prix de 1000 yens. On y retrouve des interviews de l’équipe, des informations intéressantes sur le réalisateur et toutes sortes de choses dont les amateurs de cinéma ont l’habitude de se délecter.

Il est aussi intéressant de consulter le dossier consacré à Suzuki par les Cahiers du Cinéma datant d’il y a un ou deux ans.

Plus d’informations sur Internet

Sur Le vagabond de Tôkyô

Arrow Sancho does Asia : A ma connaissance l’une des meilleurs critiques (bien que courte) du film disponible sur la toile francophone.

Arrow Cinémasie : Une petite fiche technique classique et surtout quelques critiques intéressantes (disponibles en cliquant sur la barre de droite).

Arrow 45. Caliber Samurai (ang) : La section musique d’un site consacré à Suzuki présente la B.O. du Vagabond de Tôkyô téléchargeable en mp3.

Sur Seijun Suzuki

Arrow Le site officiel japonais de Seijun Suzuki (jap) : Tout ce que l’on peut attendre d’un site officiel de qualité et raffiné, avec une interface qui rend bien hommage au talent de coloriste de Suzuki et des rubriques intéressantes et relativement complètes, bien que l’on ait vite fait le tour du site.

Arrow Nihon : Un petit dossier sur la carrière de Suzuki.

Sur le yakuza-eiga

Arrow Cinecinema : Un dossier spécial yakuza à l’occasion de leur panorama (qui s’étale sur trois mois, jusqu’à la fin du mois d’août) du fameux yakuza-eiga de l’industrie cinématographique nippone.
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« La manière dont l’écrivain choisit ses mots démontre à quelle subtilité, à quel degré de sensibilité frémissante peut atteindre la langue japonaise ; son style sans pareil est capable, avec une promptitude infaillible, d’aller droit au cœur d’un sujet pour en exprimer la substance – qu’il s’agisse de l’innocence d’une très jeune fille ou de l’effrayante misanthropie du grand âge. » (Mishima à propos de Kawabata)
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kanna
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MessagePosté le: 14 Aoû 2004 04:01    Sujet du message:

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très bonne critique Wink
je n'aurais jamais trouvé les mots justes pour expliquer ce film exceptionnel et trop peu méconnu... pour ma part j'aime beaucoup la marque du tueur aussi qui a inspiré beaucoup de réalisateurs et notamment Jim Jarmusch pour son Ghost Dog... (très belle oeuvre aussi...)
_________________
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