benkun 3eme Dan
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Posté le: 22 Avr 2004 08:56 Sujet du message: La première souris gynogénique est née
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Source : Liberation
dans Liberation ce matin...
REPRODUCTION Des chercheurs japonais ont obtenu un mammifère conçu sans fécondation qui n'a pas de père mais deux mères.
La première souris gynogénique est née.
Une équipe de chercheurs japonais qui, depuis plusieurs années, tente de mettre au monde le premier mammifère conçu par parthénogenèse – reproduction sans fécondation, donc sans mâle, chez une espèce sexuée – vient de franchir un nouveau pas sur cette voie. Elle annonce aujourd'hui (1) la naissance d'une souris qui, exclusivement issue de cellules femelles, n'est pas la copie conforme de sa mère. Un résultat qui contribue à expliquer pourquoi aucun exemple de reproduction asexuée n'a jusqu'à présent pu être observé à l'état naturel chez le mammifère.
Cyrille Louis
[22 avril 2004]
Depuis la naissance annoncée – mais jamais prouvée – de trois lapines prétendument conçues sans mâle à la fin des années 30, la parthénogenèse de mammifère faisait un peu figure de Graal dans la petite communauté des biologistes de la reproduction. Une sorte d'eldorado dont Tomohiro Kono s'est tout récemment approché de fort près en employant un mode de reproduction très particulier, à la croisée du clonage et de la parthénogenèse : la «gynogénie». Au terme d'une série de manipulations de très haute volée, ce chercheur de l'université d'agriculture de Tokyo vient de donner vie à la première souris issue d'un ovule exclusivement composé de deux génomes féminins. L'expérience explique au passage pourquoi aucun «parthénote» de mammifère n'était jusqu'à présent parvenu à se développer au-delà du stade embryonnaire.
Contrairement à l'abeille et à de nombreux insectes, de même qu'à divers amphibiens et même à la dinde qui recourent naturellement à la parthénogenèse – soit de façon systématique, soit en alternance avec la reproduction sexuée –, les mammifères n'ont en effet pas la faculté de se reproduire sans le concours d'un mâle. Même avec l'aide des plus fins biologistes : s'il est relativement aisé d'«activer» un ovocyte de rongeurs au moyen de décharges électriques ou chimiques pour stimuler son développement, les embryons ainsi obtenus n'ont jamais montré la faculté de survivre plus d'une dizaine de jours. Incapacité que les scientifiques attribuent depuis une vingtaine d'années à un phénomène baptisé «empreinte génomique parentale» (lire ci-contre).
«Ce principe désormais largement admis postule que certains gènes importants ne fonctionnent que lorsqu'ils sont transmis par les ovocytes, tandis que d'autres ne s'expriment que véhiculés par les spermatozoïdes, résume le professeur Axel Kahn, (Institut Cochin de génétique moléculaire). Ce qui en fait le fondement de la complémentarité indispensable entre le mâle et la femelle chez les mammifères.» C'est donc fort logiquement cette empreinte génomique que Tomohiro Kono s'est ingénié à «court-circuiter» dans l'espoir de mettre au monde la première souris parthénogénique.
Pour ce faire, le chercheur a utilisé une femelle souris génétiquement modifiée chez laquelle l'expression du gène H19 a été mise en veilleuse – de même qu'il reste habituellement silencieux chez le mâle. Manipulation qui a eu pour effet de provoquer, chez ce mutant, la surexpression d'un gène généralement silencieux chez la femelle. En clair : l'animal a subi un véritable travestissement l'amenant à afficher, en dépit de son sexe, un patrimoine génétique ressemblant à celui d'un mâle. Cela fait, les scientifiques ont récolté un jeu de chromosomes dans un ovule prélevé sur cette souris transgénique. Ils ont implanté ce matériel génétique «asexué» dans l'ovule arrivé à maturité d'une souris normale, en espérant en quelque sorte le faire passer pour le support d'un génome mâle.
En tout, 475 ovules ont ainsi été très acrobatiquement reconstruits, avant d'être activés pour entamer le développement d'un embryon. Finalement, pour la première fois dans l'histoire de la biologie, deux souris ont ainsi vu le jour, fruits d'une gynogenèse réussie.
«Si ce travail constitue une prouesse technique, on ne peut en effet pas dire qu'il s'agisse de parthénogenèse dans la mesure où les noyaux reconstruits comportent les génomes de deux animaux distincts», explique Andras Paldi, épigénéticien au Généthon d'Évry. Mais il confirme «le rôle majeur de l'empreinte dans l'impossibilité de créer un mammifère sans fécondation». De surcroît, l'expérience confirme selon le biologiste de la reproduction Jacques Testard (Inserm) que la modification d'un seul gène marqué par l'empreinte parentale peut entraîner «toute une cascade de changements concernant des gènes sur lesquels on n'a pas directement agi».
«Il est désormais clair que l'empreinte fonctionne chez les mammifères comme une sorte de verrou qui empêche la reproduction asexuée, analyse pour sa part Jean-Pierre Ozil, spécialiste de l'activation ovocytaire à l'Institut national de la recherche agronomique. Mais on est encore loin de savoir s'il existe un moyen de la contourner pour aboutir, sans féconder un ovocyte par une autre cellule femelle, à une véritable parthénogenèse.»
(1) Nature, 22 avril 2004.
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