[frederic]

Maitre K., je serais curieux de connaitre tes sources concernant ces fameux logements sociaux accessibles plus facilement. Je travaille actuellement justement sur la question du "precariat" (terme melangeant les termes de "precarite" et de "proletriat" apparu dans les annees 90 en Italie et repris l'anne derniere comme theme de lutte dans les groupes militants au Japon) et bien entendu j'ai aussi ete confronte a cette question des Net nanmin.

En fait au Japon officiellement ce ne sont pas les SDF qui sont comptabilises mais les noshukusha, c'est a dire ceux qui vivent dans la rue. Pour eux il existe effectivement quelques foyers ou refuges geres en general par les municipalite ou les regions. Concernant les SDF qui travaillent, c'est a dire les working poor SDF, en general ils se refugient comme le presente l'article dans des Net Cafe, dans les Manga Kissaten ou encore dans les "Sauna", etablissements combinant des bains et des chambres pour la nuit generalement de type Capsule hotel. Ces derniers ont en general la preference d'un public feminin car il existe des Sauna reserves uniquement aux femmes et les Net Cafe reservent parfois de mauvaises suruprises (vols, videaste voyeuriste, etc...). Il existe encore une categorie de SDF constituait par les travailleurs dans les chaines de montages qui sont souvent envoyes depuis les grandes metropoles vers les usines qui se trouvent en general en province. Dans leur cas ils sont loges dans des dortoirs d'entreprises avec des conditions parfois digne du camp d'internement (chambres de 4 et surveillance constante des employeurs qui vont jusqu'a venir reveiller dans leurs chambre les retardaires ou ceux qui se font porter malades). Ces dortoirs ne sont aussi accessibles que le temps du contrats qui est parfois journaliers, une fois le travail termine il faut quitter illico presto les lieux. De plus, travailler de cette maniere souvent pour des salaires assez pitoyables, ne permet pas de payer le loyer d'un logement fixe en metropole par exemple en plus du loyer du foyer, qui est evidemment payant. Bref en travaillant dans ces conditions avoir un logement fixe est quasiement impossible.

Dans cette situation l'acces a un logement fixe est extremment difficile. Pour les Net nanmin qui en general travaillent autour d'un aire fixe et qui desire obtenir un logement, l'acces a un logement normal est rendu difficile principalement en raison du systeme de caution. Meme si recemment on constate un diminution du nombre de mois a payer pour la caution, dans le meilleur des cas il faut encore deboursser 4 mois de loyer pour y avoir acces (1 mois de loyer, 1 mois d'agence, un mois de caution et 1 mois de cadeau au proprio), somme que ne possedent pas le plus souvent ces refugies. De plus le manque de caution salariale pause probleme. Comme alternative s'ouvrent alors a eux principalement trois choix :

Les hebergements journaliers
C'est sans doute ce dont tu parles Maitre K.. Dans ces etablissements prives, il n'est exige aucune caution et le loyer doit etre paye au jour le jour voire a la semaine. Mais en fait il ne s'agit pas d'appartements au sens legal du terme, ils appartiennent a la juridiction des "etablissements de pensions". Qu'est ce que cela signifie? Tout simplement que le proprietaire mais a la porte directement toute personne ayant ne serait-ce qu'un jour de retard dans le paiement du loyer. Ce sont en sommes des hotels qui proposent des appartements avec evidemment des loyers plus eleves que les loyers d'un appartement normaux. Pour une personne qui travaille comme journalier ces logements sont plus chers que les Net Cafe et ne propose aucune solution a long terme, la plupart preferent epargner pour tenter d'acceder a un vrai appartement ou la ils seront proteges par le systeme de preavis et la loi qui interdit toute expulsion tant que le retard de paiement dans les loyers n'atteint pas six mois (conditions necessaires pour etablir juridiquement un prejudice entre le proprietaire et le locataire).

Les "Hinkon business" ou "marche des pauvres"
En fait dans cette categorie entre les etablissements que j'ai cite plus haut dont notamment le plus connu, et recemment epingle par la presse pour ces pratiques assez radicales, est Leo Palace 21. Il s'agit en fait d'entreprises qui ont investit le marche florissant des pauvres pour, sous couverts de travail social, leurs extirper leurs maigres economies avec des methodes souvent mafieuses. Il ne faut pas s'y tromper, dans la categorie des Social Venture, c'est a dire entreprise de bien social il existe deux sortes d'entreprises: La premiere est constituee par des NPO (Association a but non lucratif) motivees par le bien social, le plus souvent financees par de grandes entreprises (NEC en est un bon exemple au Japon, Mac Do a aussi ses foyers pour petits enfants) desireuses de s'acheter une caution morale, celles-la font parfois du bon boulot bien qu'il s'agisse avant tout de charite. La deuxieme est consitue d'entreprises "normales", c'est a dire avant tout desireuses de faire du profit, qui ont decouvert que l'on pouvait se faire de l'argent dans ce marche de plus en plus grandissant et totalement laisse a l'abandon par l'Etat japonais, qu'est celui de la pauvrete.
On retrouve ici des pratiques d'entreprises qui sur les lieux de travail pratiquent une veritable segregation face aux employes non reguliers (des trucs parfois aussi stupide que l'interdiction d'utiliser les poubelles car reservees aux salaryman) ou qui utilisent la precarite de leurs employes pour les exploiters a outrances le plus souvent dans la plus totale illegalite (mais la menace du renvoi ou de sanctions suffit a faire taire le plus souvent les plaintes, dans le pires des cas ils leurs files une enveloppe soumise a une clause de confidentialite pour les faire taire). Mais pour ce post on va se restreindre aux entreprises qui proposent des logements. A part les pensions journalieres, on trouve aussi des entreprises qui proposent a la fois du travail et des foyers, l'acces au foyer etant conditionne par l'acceptation du travail qui vous est propose. Bref une fois devenu adherents vous devait accepter le travail que l'on vous donne pour acceder dans un premier temps au logement. Une fois le premier travail termine (les plus longs contrats sont de six mois mais la plupart sont a la semaine), vous devez accepter le suivant sous peine d'expulsions. De plus, subtilite de l'affaire, si jamais vous avez besoin d'argent la societe vous propose des credits avantageux. C'est en somme le systeme d'escalvagisme utilise par les yakuza dans le marche de la prostitution applique au marche des pauvres dans la plus complete legalite.
Nous arrivons au pire exemple que l'on peut citer dans cette categorie car elle se trouve etre une association ayant le statut de NPO et d'institution de bien social. Il s'agit de la NPO SSS (oui oui trois S et pas deux), une association qui "accueillent" les clochards (SDF a la rue) jusqu'a present mais qui commence a diverssifier son offre (petits vieux, jeunes paumes), les aident a remplir leur demande de pension sociale (seikatsuhogo) et leur fournit un logement et des repas chaud pour le plus grand bien de la societe. Tout ca est tres joli sur le papier tout comme leur site internet d'ailleurs : http://www.npo-sss.or.jp/index.html mais derriere ces sourires de papi joyeux, se cache un des business les plus crapuleux que l'on puisse imaginer. Cette association fait en fait une chasse aux clochards, elle les ramene dans leur etablissement et leur fait effectivement remplir leur demande de pension sociale qui tombe directement, sur le compte de l'association. Ces pensions peuvent se monter dans le cas le plus eleve qui est Tokyo a 140 000 yen par mois. Avec cet argent c'est vrai que l'on peut arriver a vivre a peu pres decemment et que l'on peut meme arriver a trouver un logement. Super pour les clochards donc. Mais non, car l'assoc empoche le tout et facture ses services aupres des SDF a plus de 100 000 yen et leur donne 30 000 yen comme argent de poche, c'est tout l'argent que verront jamais ceux qui sont accueillis ici. Les frais factures sont composes d'un logement qui se resume a une peice de 10m2 partage a 4 ou chacun paye 50 000 yen, un repas chauds le matin et le soir et une assistance pour chercher du travail ou passer un permis facture 60 000 yen par mois, voila. Grace a cette methode elle a reussi a realiser en 2003 (enquete de la mairie de Tokyo) des benefices se montant a 1 million de yen par mois, l'association a pu largement se developper et acheter davantage de logement pour les louer toujours aussi cher a de nouveaux SDF. Elle accueille aujourd'hui pres de 5000 SDF. C'est certains que arriver a louer une piece de 10 m2 a 200 000 yen par mois (4 x 50 000yen), le tout au frais du contribuable, ils font tres fort...

Le vrai logement
Pour finir sur une note d'optimisme je vais presenter un cas qui s'apparente vraiment a une solution propose par une association d'aide aux SDF de rue, qui a du ouvrir son offre aux SDF travailleurs pauvres sous le nombres de demandes croissantes qu'ils recevaient, situee a Tokyo du nom de Moyai. Il s'agit en fait du seul cas que j'ai pu constater proposant une aide decante a ces jeunes en detresse, si il y en a d'autres j'aurais vraiment envie de les connaitre, histoire de me dire que le constat n'est pas aussi terrible qu'il se revele etre un peu plus chaque jour.
Moyai donc aide en fait ceux et celles qui font appel a elle a obtenir une pension sociale. Cela peut se comprendre dans le cas des clochards sans revenus mais c'est en fait aussi le cas pour les travailleurs pauvres, le salaire mensuel d'un journalier n'arrivant souvent pas a depasser la barre au dessus de laquelle une personne n'est plus considere officiellement comme pauvre. Cette pension aide en fait a faire les demarches pour obtenir un appartement (un vrai avec un contrat de location et la protection legale et tout et tout) et a payer une partie du loyer de celui-ci. L'assoc aide donc les jeunes a faire ces demarches administratives qui peuvent se reveler parfois une veritable torture psychologique.
(Un petit HS ici mais mes doigts brulent de l'ecrire. Anecdote donc : L'annee derniere dans la prefecture du Kyushuu pas moins de 5 personnes sont mortes de "solitudes" (toujours aussi poete les japonais quand il s'agit de qualifier les crimes a cacher. Dans le meme genre les viols sont qualifies de "gestes obscenes" tout comme les doigts d'honneur ou le fait de montrer ces fesses a la fenetre de sa voiture, subtil.). Ces personnes donc ne sont pas seulement morte de solitude on leur avait aussi refuse a repetition toute pension sociale pour des motifs souvent totalement illegaux. Il s'est avere que la prefecture du Kyushu etait devenu un modele dans ce qui est d'economiser les impots des contribuables et a reduire les depenses en frais sociaux. Mode radical pour arriver a ce resultat, combiner les centres de demandes de pension sociale avec les commissariat et mettre au guichet d'anciens policiers seuls capables de deceler a travers des entretients entre 4 yeux les fraudeurs qui voudrait abuser du si merveilleux systeme d'assistance sociale japonais. Le cas le plus polemique est celui de cet homme a qui l'on a coupe la pension sociale sans raison et a qui l'on a refuse toute ces demandes ulterieures qui en est arriver, aux dires de ses voisins a faire des soupes avec l'herbe qui poussait devant sa maison avant de mourrir de faim en laissant comme derniere phrase dans son journal intime : おにぎり食べたい　"je veux manger une boulette de riz". Beaucoup de poesie dans tout ca, tres morbide certe. Fin du HS)
Moyai donc aide dans ces demarches, avec eux ceux qui peuvent obtenir la pension l'ont, et fournit un guarant pour la location de l'appartement qu'elle aide aussi a chercher. La pension est evidemment verse sur le comptes du demandeurs qui si il a un probleme peut faire appel a Moyai pour l'aider et sinon peut continuer completement independemment de son cote sa vie. Bref, pour trouver un appartement ces jeunes ont besoin d'un coup de pouce. La pension sociale existe et peut devenir ce coup de pouce, beaucoup ignore son existence ou y sont reticent mais en general et d'apres les dires de l'assoc, apres avoir trouve un appartement et vecu 2 ou 3 mois avec la pension histoire de ce remettre sur pied, la plupart des jeunes arrivent a repartir sur des bases un peu plus serreines (c'est pas la panasse quand meme) et quitte le systeme de pension. Pour les vieux ou les handicapes ou autres "inaptes au travail" la, c'est un autre probleme, mais bon.

Moyai est certes l'exemple d'une association qui aide et fait un travail social utile mais meme si il y avait des Moyai dans tout le Japon, le probleme des Net nanmin serait loin d'etre resolu. Actuellement on considere que seul une personne sur trois ayant droit a la pension sociale la reclame et au total seule une personne sur dix y ayant droit l'obtient. Si toutes les personnes l'obtenait cela poserait sans doute de sacre problemes financiers aux regions. Le probleme de fond est structurel mais bon laissons ca pour un autre post.
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"Il parraît que ce sont les grecs qui ont inventé la démocratie, oulàlà, heureusement que pour mieux faire passer ça ils avaient dejà inventé la sodomie!" La Blonde

[Maitre K]

[blablatus]

Merci Frédéric pour ce post très interessant. Incroyable cette NPO SSS!
Une question d'ordre pratique: tous ces gens qui crèchent dans les cybercafés, où laissent-ils leurs affaires pendant la journée, quand ils travaillent?

[frederic]

Maitre K
Ok, je vais regarder d'un peu plus pret, mais d'apres ce que je sais, les HLM au japon ou tout autres logements geres par les municipalites, grandes villes ou provinces sont reserves aux familles avec des exceptions pour les celibataires agees (+ de 50 ou 60 ans), handicapes ou etrangers. Les jeunes celibataires style working poor n'y ont donc pas acces.

Blablatus
En general leurs affaires tiennent dans un sac a dos ou un sac de sports qu'ils peuvent facilement laisser au travail dans les vestiaires (il y a souvent des vestiaires pour enfiler son uniforme de travail). Sinon il reste les Coin Lockers (consignes automatiques) que l'on trouve non seulement dans les gares mais un peu partout dans des endroits comme Shibuya, Ikebukuro ou Shinjuku. J'ai deja vu des gens se changer apres avoir sorti leurs affaires de ces consignes mais je n'ai pas encore eu le reflexe de leur demander si ils etaient SDF.
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