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Nihonjin to shite... » ou place de la Nation dans le processus de construction identitaire

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Furansowakun
3eme Dan
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Inscrit le: 17 Juil 2004
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MessagePosté le: 01 Juil 2007 23:25    Sujet du message: Nihonjin to shite... » ou place de la Nation dans le processus de construction identitaire

 Note du Post : 3.5   Nombre d'avis : 2
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En fait, je souhaitais à la base répondre dans le topic qu'avait ouvert Frédéric( http://www.forumjapon.com/forum/viewtopic.php?t=15072&start=20 ) où il décrit les dynamiques sociétales récentes de la société japonaise et ce qu'il perçoit comme correspondant à une évolution fasciste continue et tranquille s'accompagnant néanmoins d'un postulat de « génération de lutte », ayant la possibilité de s'appuyer et de s'exprimer entre autres par le biais de l'émergence d'une myriade de syndicats de précaires (freeter) pouvant canaliser le mécontentement social favorisé par l'éclatement de la bulle financière au début des années quatre-vingt dix, qui a entraîné un creusement des inégalités, la fin du modèle de l'emploi à vie et la généralisation de la précarité. Mais en fait, je souhaitais plutôt élargir le débat en premier lieu déjà sur cette réflexion d' « évolution fasciste » et ensuite sur la place de la Nation au niveau de l'identité des Japonais. Ouvrir un nouveau topic me paraissait donc plus approprié, bien que le débat sur le topic de Fred soit loin d'être clos.

J'aimerais donc que, grosso modo, ce topic aborde justement cette idée d' « évolution fasciste », dont les tenants et aboutissants restent à définir de manière plus claire, et, de ce qui pourrait lui être lié de manière directe ou indirecte qui est selon moi le renforcement du pilier constitué par la Nation dans le processus de construction identitaire des Japonais, dynamique semblant appuyée par l'Etat japonais par le biais des récentes réformes de l'éducation mises en oeuvre par le cabinet du premier ministre Abe Shinzô.

Une illustration linguistique de cet état de fait qu'il me vient à l'esprit est l'utilisation de plus en plus systématique en japonais de l'expression « Nihonjin to shite » (日本人として), pouvant se traduire en français par « En tant que Japonais, ... ». Par exemple, « En tant que Japonais, je ne peux pas l'accepter» (日本人として許せない). J'avais entendu cette expression également de la bouche de Takahashi Tetsuya lors d'une conférence qu'il a donné à l'université Paris 7, Takahashi étant un philosophe japonais ayant écrit l'ouvrage « Yasukuni mondai » (qui vient d'être traduit en français) et qui incarne un des principaux représentants de la pensée intelectuelle de gauche au Japon. Entendre cette expression de la bouche d'un intellectuel de gauche m'avait passablement surpris à l'époque et j'aimerais donc porter la réflexion sur le carcan idéologique pouvant se trouver en arrière-plan de cette utilisation de ce « nihonjin to shite ».

En effet, l'utilisation de cette dernière et l'idéologie qui en découle présuppose une dissemblance d'opinions en fonction de la nationalité et qui finalement considère que, par le fait unique de la naissance d'un individu quelconque à l'intérieur des frontières japonaises, la perception de la réalité, les points de vue et surtout le jugement seront autant d'éléments changeants ou en tout cas susceptibles de changer. « Nihonjin to shite yurusenai » « En tant que japonais, je ne peux l'accepter ». On peut imaginer, par déduction, qu' « en tant que français ou chinois, je serais en mesure de l'accepter », ce qui est finalement reconnaître une perception des choses différentes des choses selon les nationalités respectives de chaque individu, et plus uniquement basée par des différences liées à l'environnement où gravite l'individu ou empiriques mais sur des préjugés et opinions découlant directement de la nationalité ce qui me semble personnellement extrêmement dangereux car pouvant ouvrir la porte à une forme de ségrégation.

En partant de cet exemple, parmi d'autres, de « Nihonjin to shite ... » je souhaitais en fait mettre en exergue le fait de la très grande importance de la nationalité dans le processus de construction identitaire individuel dans notre archipel préféré, qui me semble constituer un pilier beaucoup plus important que ce que l'on trouve généralement en France de par mon expérience. L'éducation japonaise semble galvaniser et soutenir un processus de rapport à soi imbriqué avec la notion de Nation japonaise, ce qui contribue à introduire chez l'individu une impossibilité de détachement entre Nation japonaise, concept abstrait, et soi-même, c'est à dire son identité propre, ce qui est quelque chose en soi qui me paraît relativement incroyable.

Une des conséquences primordiales de cette imbrication identité-Nation est à mon sens, par exemple, le sentiment chez de nombreux Japonais que les exactions passées par les troupes du Japon militariste ultranationaliste leur soient liées de manière organique et que de fait, un soulignement du caractère atroce de ces exactions porte atteinte directement, même 60 ans après les faits, à leur intégrité physique en quelque sorte. Une évocation, par exemple du massacre de Nanking perpétré par les troupes occupantes japonaises en Chine en 1937 se traduit ainsi, par le biais de ce processus de construction identitaire, comme une attaque directe à cette notion abstraite de Nation japonaise et transforme l'interlocuteur non seulement en « anti-japonais » mais également et surtout en « anti-Moi » finalement, si vous voyez où je veux en venir. Par cette idéologie d'unification identité-Nation, une éducation visant à mettre en relief le passé militariste japonais est taxée d'"éducation masochiste" (自虐症教育), termes que l'on entend fréquemment lors de débats sur Mixi ou autres concernant le devoir de mémoire du Japon par rapport à son histoire et qui constituent des vocables particulièrement révélateurs de l'emprise de cette idéologie sur nombre de Japonais.

Avez-vous déjà remarqué également cette fusion identité-Japon en allant au Japon par exemple ? Pensez-vous, comme je serais amené à le penser pour ma part, qu'il réside là une différence avec le système éducationnel français, qui semble à première vue plus insister sur les notions de citoyenneté que sur les notions d'appartenance à la Nation ?

Voilà, en espérant que le débat soit chaud comme la braise ! Very Happy
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gaboriau
4eme Dan
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MessagePosté le: 02 Juil 2007 00:22    Sujet du message:

 Note du Post : 3.5   Nombre d'avis : 2
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Citation:
qui me semble constituer un pilier beaucoup plus important que ce que l'on trouve généralement en France de par mon expérience. L'éducation japonaise semble galvaniser et soutenir un processus de rapport à soi imbriqué avec la notion de Nation japonaise, ce qui contribue à introduire chez l'individu une impossibilité de détachement entre Nation japonaise, concept abstrait, et soi-même, c'est à dire son identité propre, ce qui est quelque chose en soi qui me paraît relativement incroyable.

La nation, c'est quand même une extention de la famille. C'est les racines... D'accord, il peut avoir des effets indésirables, mais d'affirmer tout de go que "c'est incroyable" que la nation fasse partie de l'identité est une affirmation qui n'a pas sa place comme observateur, parce que ça implique qu'on fait entrer ses propres valeurs dans un jugement qui se veut objectif. Il faut plutôt observer ce qui fait partie du processus identitaire : le processus d'identité étant un fait et non une prise de position intellectuelle d'un individu). Le processus identitaire est forcément universel, ce qui peut changer c'est la façon dont ça peut s'exprimer culturellement. Dire qu'un Français s'identifie moins qu'un Japonais à l'idée de nation est affirmation qui ne repose sur rien, sinon ses propres valeurs personnelles héritées de cette même nation. Croire qu'on est soi-même moins soumis à l"environnement" (au sens large : histoire, culture, éducation, biologique etc.) est aussi une illusion dû à l'absence de distanciation face à soi-même. L'individu francais (pour reprendre cet exemple) est autant lié à l'idée de nation que n'importe quel individu non français, mais l'exprime de façon différente. Tous individu ne fait que parler de son pays, de sa nation, de sa culture... ce qui n'empêche pas d'être un individu propre (c'est comme des couches superposées qui forment l'individu)... Ce qui est dangereux, c'est justement de croire qu'on est le produit de ses propres pensées et décisions. Wink
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Botchan
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MessagePosté le: 02 Juil 2007 05:42    Sujet du message:

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Le problème du mythe national est fondamental. C'est pour cela aussi qu'il est dur à déraciner...
Je souhaiterais renvoyer à ces deux posts/discussions qui abordent le problème suos deux angles différents :
langue, nation et origine.
la nation comme tradition

Le mythe national est profondément enraciné car il est inculqué dès les plus jeunes années et représente un "sacré" sur lequel repose le pouvoir de l'Etat moderne, de sorte que le mythe national est un tabou profondément gardé, ce que l'on constate en lisant
Gaboriau a écrit:
La nation, c'est quand même une extention de la famille

Cela renvoit à la définition archaïque de la Nation par le Sang (définition imposssible à garder car un Etat moderne condamne sa population à une exploitation telle qu'elle ne se reproduit pas naturellement, il faut donc importer de nouveaux travailleurs, ce qu'on appelle "l'immigration", pour assurer la croissance du profit).
"Travail Famille Patrie" reste célèbre comme slogan du régime de Vichy, remis au goût du jour par le Petit populiste Sarkozy, le slogan montre bien la nature "fondamentale" du lien entre régime de production moderne (capitaliste si vous préférez ou inversement) et le régime du mythe de la communauté par le Sang, théorie profondément liée à celle des Races humaines, avec ses inférieures et ses supérieures...

Gaboriau a écrit:
le processus d'identité étant un fait et non une prise de position intellectuelle

Et bien, si l'identité était un fait et non une prise de position intellectuelle, il nous serait bien imposssible de nous inquiéter tant que ça à son propos !
Que dis-tu à cette foule d'enfants d'immigrés tourmentés par leur apparence, la contradiction des discours nationalistes et culturels d'ici et d'ailleurs et l'impossibilité souvent qu'il constate à devoir choisir une "identité nationale" ?
... rien n'est moins surfait, artificiel que l'identité nationale. Elle est décrétée par le pouvoir en tant qu'instrument de soumission. Pourquoi pensez-vous que le Petit Sarkozy en a fait un ministère !? A-t-on jamais vu un "ministère" pour décréter ce que devait être la Nature ? Il n'y a rien de naturel dans la communauté imaginaire "Nation".
L'Abbé Shinzô est comme le Petit Sarkozy : pour lui, "le Japon doit être Beau" ou encore, "il faut enseigner aux enfants l'Amour de la Patrie"...
Evidemment qu'il faut contraindre les enseignants et les enfants à l'amour de la Patrie... puisqu'il n'y a rien de moins naturel !
_________________
"Avec ce pouvoir [de la réthorique], tu feras ton esclave du médecin, ton esclave du pédotribe et, quant au fameux financier, on reconnaîtra que ce n'est pas pour lui qu'il amasse de l'argent mais pour autrui, pour toi qui sais parler et persuader les foules." Platon, Gorgias (IVème siècle avant J-C) - NB : suis privé du droit de notation depuis Fukushima, devinez pourquoi !-


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LVD
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MessagePosté le: 03 Juil 2007 06:15    Sujet du message:

 Ce message n'a pas encore été noté.
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Botchan a écrit:

... rien n'est moins surfait, artificiel que l'identité nationale. Elle est décrétée par le pouvoir en tant qu'instrument de soumission. Pourquoi pensez-vous que le petit Sarkozy en a fait un ministère !? A-t-on jamais vu un "ministère" pour décréter ce que devait être la Nature ? Il n'y a rien de naturel dans la communauté imaginaire "Nation".


Pour une fois, je suis completement d'accord avec toi Smile
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