[Olivier L.]

AFP, 22 janvier 2004.

Si le Japon a constitué pendant de longues années un véritable eldorado pour les bijoutiers-joailliers français, le marché a profondément changé en raison de la crise économique, contraignant ces derniers à s'adapter à une demande nippone de plus en plus exigeante.

Premiers à s'être implantés dans l'Archipel au début des années 1970, les bijoutiers-joailliers français ont très vite profité du "développement fulgurant de la bijouterie", dit Emmanuel Descheemaeker, directeur export du Comité français de l'Horlogerie, de la Bijouterie, de la Joaillerie et de l'Orfèvrerie (CFHBJO).

"Quand les Japonaises s'habillaient encore en kimonos, elles ne portaient pas de bijoux, le kimono constituant un objet de décoration à part entière", raconte M. Descheemaeker.

"C'est lorsque le pays s'est très fortement occidentalisé dans les années 1970 que le marché de la bijouterie a explosé", explique-t-il au Salon International de la Bijouterie. Ce salon annuel, qui rassemble 1.200 bijoutiers de 35 pays, se tient à Tokyo jusqu'à samedi.

Le Japon est le premier marché à l'exportation pour la bijouterie française, après la Suisse et l'Union européenne, les ventes totales s'élevant à 100 millions d'euros, soit 13% du marché français, selon les chiffres de 2002 du CFHBJO.

Représentant 12% du marché du luxe au Japon en 2000, selon la mission économique française au Japon, la bijouterie est néanmoins distancée par la maroquinerie (23%), l'horlogerie (17%) et le prêt-à-porter féminin (16%).

C'est un marché de plus en plus concurrentiel, qui a été frappé de plein fouet par la "décennie perdue" des années 1990 et qui tente de redémarrer.

"En 2003, le total des ventes au détail de bijouterie s'est élevé à environ 1.200 mds de yens (9 mds EUR) au Japon, en légère baisse par rapport à l'année précédente. Le marché a souffert de la crise", déclare à l'AFP un porte-parole de l'Association de la bijouterie japonaise (JJA).

Toutefois, depuis l'automne dernier, la reprise semble se confirmer: "Tout nous porte à croire que le deuxième semestre sera celui de l'amélioration", prédit le porte-parole.

Si le "Made in France" continue à séduire les consommateurs japonais, friands de qualité et de prestige, "le temps est révolu où ces derniers achetaient sans compter pourvu qu'il s'agisse de produits de marque français", avertit le porte-parole de la JJA.

"Les clients sont devenus de plus en plus exigeants et le marché de plus en plus complexe. Les Japonais attachent davantage d'importance au raffinement, à la délicatesse d'un bijou, plutôt qu'à sa grosseur", ajoute-t-il.

Un constat que partage la délégation française venue à Tokyo pour le salon.

"Seuls les Japonais commencent par retourner le bijou qu'ils ont en mains pour voir comment sont les finitions", s'amuse la créatrice Thérèse Sudre, qui vient depuis 20 ans au Japon.

"J'ai beaucoup progressé en termes de fabrication et de commercialisation depuis que je travaille avec eux", reconnaît-elle.

Pour l'artiste Brigite Salomon, il n'est pas facile de travailler avec des Japonais.

"Les Japonais ne prennent pas de risque, ils sont hésitants. On sent qu'ils traversent une période de transition majeure mais il nous est extrêmement difficile de les amener à évoluer", témoigne-t-elle.